Les noeuds du karma - ft Maxine Bell

Lundi 03 Septembre 2012

"L’épaule luxée ", c’était ce qu’avait dit le Dark Minder en charge des soins, mais le degré de douleur rappelait à la tête blonde la fois où il était tombé de la grange. L’air maussade Alexander avancé dans un chemin prêt à trouver la chambre qui lui servirait de fief ces prochaines années. On lui avait parlé de baraquement perdu dans la forêt sans autres explications. Cela avait de quoi mettre à mal son assurance et son sens déplorable de l’orientation. Il espérait secrètement tomber d’instinct sur les lieux et éviter les deux énergumènes qui lui avaient valu son aller simple en salle de soin, mais c’était sans compter l’humour du karma qui lui collait aux basques.

Elle était là. Miss claquette et sa moue boudeuse. Ses longues mèches blondes flottaient au vent lui donnant des allures de fougueuse guerrière viking. Planté au milieu du chemin comme point de non-retour, Alexander hésita même à faire demi-tour. Il se rappelait bien d’elle et à dire vrai, leurs chemins s’étaient déjà recroisés au détour des ruelles de Fairwood. La ville était petite, pas assez grande il faut croire et le destin un peu trop fort pour ne pas se sentir obliger de forcer un sourire de politesse. Ce n’était pas tant qu’il redoutait un nouveau déballage d’ego, ou une démonstration de force… C’était un peu ce qu’il faisait depuis qu’il était arrivé. Non, le malaise était autre part, entre joie et stupeur, un non-lieu assez vague qui venait de le saisir tout entier.
Avec la précaution d’un félin, il s’était approché en prenant soin de garder une respectable distance de sécurité.

— Miss claquette, articula-t-il un brin amusé.

Peut-être que la verve si habituellement enjouée s’était teinté d’appréhension, puisqu’il réajusta aussitôt sa posture en s’arrêtant à sa hauteur.

Sa main sur son bras, Alexander se contentait de paraître amical. Elle n’avait pas changé. Il s’émanait toujours d’elle cette curieuse impression qu’elle pouvait le flanquer à terre à tout moment. Il ignorait tout de cette animosité. Il l’avait déçu. Surement, puisque c’était toujours ce qu’il faisait finalement.

— Finalement nous voici dans le même bateau.

Ironique au bout du compte. Mais pour combien de temps encore. L’idée d’avoir la toupie blonde dans son sillage n’était pas déplaisante, pourtant, il doutait encore qu’elle tire parti de toute cette mascarade ; elle l’enfant star de Fairwood. On était loin des scènes et des paillettes.

Lundi 03 Septembre 2012

La posture de défense de la blondinette fit sourire Alexander. Lui, le bras en écharpe, la tignasse passablement désordonnée se tenait presque mollement face à l’enfant prodigue. Pensait-elle encore survivre à un parcours initiatique aussi sélectif que celui des Dark Minders ? Il y avait de quoi sourire face à cet excès d’aplomb. « Ahoy ! Mon capitaine… » Avec entrain, dans un mouvement du bras, Alexander s’était contenté de pouffer comme un enfant de huit ans. Il avait fini par se ressaisir au dernier moment dans une ébauche de sourire d’excuse. « Tu ne vas sûrement pas le croire, mais je n’ai pas envie de me battre contre toi ». C’était vrai depuis la toute première seconde qu’ils s’étaient parlés il y a de cela quelques années maintenant. Elle lui était tombée dessus comme la poisse et pourtant… Il ne lui en avait jamais tenu rigueur. « Pas parce que je me pense supérieur. Ou inférieur ou que t’es une fille ou tout autre chose… Juste, je n’ai pas envie. » Rétorqua-t-il en soupirant. Ses raisons étaient suffisamment obscures pour qu’il ne se risque à developper davantage. Peut-être était-ce par qu’ils venaient tout deux de Fairwood, ou bien était-ce parce qu’elle l’amusait… Il ne s’était jamais vraiment questionné sur tout cela, mais elle ne lui inspirait aucune animosité. « Si tu as besoin d’un coup de main, n’hésite pas. » Il sentit le silence tomber sur lui comme une chape de béton, dans la désagréable impression qu’il venait de se tirer une balle dans le pied. À bien la regarder, elle lui donnait l’impression qu’elle pouvait bien lui sauter à la gorge comme s’effondrer à tout moment. Cette curieuse dualité, le figea sur place dans un petit geste de recul qu’il eut bien du mal à refréner.

Lundi 03 Septembre 2012

Les yeux dans le vague, Alexander cherchait vainement un point d’ancrage auquel se raccrocher. Son esprit à la dérive s’était égaré à l’évocation d’une prétendue quête de motivation. Il ne comprenait pas très bien ce concept, ou plutôt il se questionnait sur la façon de faire lorsqu’on se devait d’agir sans aucune arrière-pensée… Il finit par soupirer nerveusement et laissa tomber ses paupières sur cette farandole d’incertitudes. Pourquoi était-ce si difficile de croire qu’il faisait juste tout cela par pure… Politesse ? Peut-être, car cela n’en était pas vraiment. De la courtoisie peut-être ? Elle l’aurait sûrement fustigé du regard à l’annonce de cette pseudo-explication, en prétendant ne pas avoir besoin d’un chevalier servant… Alors quoi ?Peut-être n’était-ce pas le moment de se labourer le cerveau avec tant d’acharnement. Après tout Miss claquettes n’était que Miss claquettes. Son sourire se fit plus grand encore tandis que cette conclusion annonçait déjà l’ébauche d’un concept plus farfelue encore que toutes les précédentes inepties qui avaient jusque-là abreuvé son cerveau.

Figé face à elle, Alexander l’observait maintenant avec intérêt. Son regard espiègle s’était illuminé tandis que ses doigts s’étaient avancés entre eux pour mieux crocheter le vide. « C’est réciproque, tu sais ?» Avait-il insisté dans un sourire affable. Droit comme un i, il laissa ses yeux saisir l’instant en poursuivant dans une conclusion feutrée. « Je ne comprends rien à ce qu’il se passe dans cette charmante petite tête ! » Après avoir toqué deux fois la caboche de la petite blonde, il s’avança vers le sentier perdu dans la végétation. Il y a avait fort à parier qu’elle repousse farouchement l’invitation en prétextant tout et son contraire, mais pensant sûrement qu’il y avait encore de l’espoir, il l’invita d’un geste galant à le suivre. Chose que fit brusquement un groupe de novices en courant. L’un deux s’arrêta un peu plus loin en leur signifiant pour une obscure raison leur éminente mise à mort.

Amusé plus qu’inquiété, Alexander pouffa de rire en enfouissant ses mains dans les poches. Il grimaça en sentant la douleur à son épaule se réveiller puis il s’inquiéta de la réaction de Miss claquettes. Si les provocations et les menaces étaient plutôt habituelles pour un gosse de Dark Minder, il se demandait ce qu’il pouvait en être d’une demoiselle élevée sous les projecteurs. « Il ne faut pas faire attention… La compétition va être rude les premières semaines… Il faut t’attendre à ce qu’ils essayent de te faire craquer. »

Lundi 03 Septembre 2012

Alexander se retint de rire. La dernière réplique de Miss-claquettes avait fait mouche. Le poing serré sur des lippes qui n’en finissaient plus de vouloir trahir ce soubresaut d’hilarité, le blondinet finit par se contenir en tirant sur sa nuque. Les yeux fermés, il cherchait à définir cette drôle de fille sans vraiment y parvenir. Il y avait chez elle quelque chose d’extrêmement touchant et de drôle à la fois… Tant et si bien qu’il ne savait plus trop s’il devait la taquiner ou bien la rassurer. Après tout, elle était une Dark Minder en devenir et peut-être que l’espace de quelques minutes… Il en avait douté. «  Très bien… Allons y ! » Alexander avait préféré calmer le jeu. La furie blonde était suffisamment sur la défensive et rien de ce qu’il pensait dire n’aurait sûrement suffit à désamorcer la petite bombe à retardement qui cheminait à ses côtés. Il avait appris à se méfier de ses sautes d’humeur et pour l’heure, l’objectif était de l’amener à bon port.
Chemin faisant, il se risqua tout de même à la questionner. «  Tu sais… Ce n’est pas tant une compétition… » L’espace de quelques secondes, il se rappela de leur première rencontre. «  On ne devient pas Dark Minder en étant le plus rapide ou le plus fort… C’est plus une question de… » Il hésita, la dévisagea et sourit bêtement en empoignant le vide. «  De destin… » Il s’expliqua aussitôt en reprenant sans une once de provocation. «  Au final, on sera tous égaux devant le rituel de passage, ni la force, ni l’intelligence nous aidera… C’est profondément injuste, mais c’est comme ça… C’était pas très malin à l’époque… Mais dans l’idée, c’était ce que je voulais te dire… Enfin te montrer. Je n’avais pas les mots justes… Aujourd’hui, je les ai, je pense. » Le blondinet arrêta ses pas et observa sa camarade avec bienveillance. «  Il faut accepter de ne pas être ce que les autres attendent de nous… Nous n'avons aucune emprise sur ça et il faut faire de son mieux bien sûr, sans pour autant partir au quart de tour… » En disant cela, il lui avait montré sa pitoyable épaule dans un sourire moqueur. «  Je suis loin d’être un exemple, mais c’est ce qu’on me répète depuis que je suis en âge de marcher… Et je crois qu’en te le disant… J’ai presque compris. » Ricana t-il. «  Presque, c’est un bon début, tu ne trouves pas ? »

Lundi 03 Septembre 2012

Elle n’avait pas tort dans un sens, mais maintenant que les choses étaient Alexander n’avait plus de raison de revenir sur ce qu’il venait d’étaler avec sagesse. Dans une petite moue dubitative, le blondinet se contenta de hausser les épaules. Une main bien enfoncée dans la poche, il reprit le chemin dans un pieux silence jusqu'à ce qu’elle l’attaque personnellement. Figé dans une sorte de sidération, il resta longuement ainsi, avant que ses traits ne retrouvent un semblant de souplesse. Sans le savoir Miss-claquette avait mis les pieds dans le plat. Oui, le problème venait sûrement de là, de sa famille, de ce poids sur ses épaules qui devenait, chaque année, plus lourd. «  Tu te trompes », marmonna-t-il en laissant tomber sa tête en arrière. «  C’est bien plus difficile lorsqu’on vient d’une famille de Dark Minder. » L’échec n’était pas une option. Que ferait-il si le rituel échouait avec lui ? Que dirait-il ?
L’écho de ses pensées se matérialisa dans la curieuse demande de la furie. À bien l’observer, elle semblait inquiète. Cela contrastait avec sa volonté inflexible de vouloir tout dominer, mais puisqu’ils étaient à présent sur la même longueur d’ondes et puisque leurs pensées convergeaient vers les mêmes inquiétudes, Alexander s’empressa de clarifier «  On rentre chez-nous ! » C’était aussi simple que cela et pourtant. Il se sentit déglutir avec difficulté. Le fait d’envisager cette possibilité était comme se jeter d’une falaise sans la certitude d’éviter les rochers en contrebas. «  Je te l’ai dit… On peut rien y faire. C’est pas de notre ressort. » Pour la première fois, il le comprenait réellement. «  Même moi… » Sa voix trembla, tandis qu’il regroupait toutes ses forces pour continuer de lui répondre. «  Je ne sais pas si je le passerai… Il n’y a aucune garantie et je… Je ne sais pas ce que je ferai à ce moment-là. » Il ne s’était jamais clairement posé la question, comme si face à l’échec sa vie s’arrêterait là. Le cœur au bord de l’explosion, il força le départ en l’attrapant par le poignet. «  Ne traînons pas… Il ne faut pas être en retard. » Perdu dans la contemplation de ses longs reflets lactescents, il se sentit fléchir et se pencher vers elle. «  N’y pense pas… Rien ni personne, ne peut dire ce qu’il se passera au rituel. Pour le moment, on est ici ! »

Avril 2018

Cette épisode resta marqué dans l’esprit du blondinet qui s’était juré de garder un oeil sur l'étrange fille qui continuait à aller et venir dans sa vie sans prévenir. Deux années les avaient séparés, autant dire toute une vie en années de Dark Minder. Il n’y avait pas un mois qui s’écoulait sans voir des recrues abandonner. Alexander avait passé le rituel préparatoire et il préparait maintenant la cérémonie de la Marque. Bien des choses s’étaient passées depuis, tant et si bien qu’il n’était pas mécontent de quitter le Shuterdom.
Accompagné d’une poignée d’aspirants, il marchait vers le QG lorsque’il aperçu les mèches de la petite blonde. Il s’étonna de la voir rayonnante et se surpris même à sourire alors qu’il continuait à suivre sa progression au travers de la forêt. Il n’avait pas relevé les réflexions brumeuses de ses camarades et leurs allusions moqueuses. Il s’était déjà clairement expliqué concernant son soit disant béguin envers Miss claquettes et il avait prouvé à plusieurs reprises en s’affichant avec différentes filles du camp, alors peut-être lassé de ne pas avoir de réponse, ses camarades l’abandonnèrent et il resta encore un moment à l’observer. Elle l’intriguait toujours autant. Il avait eu vent de ses exploits et si ses souvenirs étaient exacte s’était bientôt son tour à passer le rituel préparatoire.
Tandis qu’elle saluait son amie à une intersection de sentier, il s’empressa de rejoindre le chemin et fit mine de ne pas l’avoir vu. A sa hauteur, totalement conscient qu’elle l’avait sûrement vu avant, il se contenta de pouffer allègrement. Dans une apparente désinvolture, sourire éclatant, Alexander Ward s’était imposé les mains dans les poches. «  Miss claquettes. Comment ça va ? » Cette réthorique ne fit qu’allonger ses lèvres, alors qu’il s’avançait un peu plus, forçant une promiscuité qui se voulait maintenant familière. «  C’était Alva ? » La question était peut-être anodine, mais si elle lisait bien entre les lignes, elle en disait long sur ses intentions. Alexander avait toujours gardait un oeil (distant) sur elle.

Avril 2018

Au bord de l’hilarité, Alexander finit par se pencher pour mieux se retenir de rire. La réplique était délicieuse, semblable à beaucoup trop de réponses qu’il avait déjà entendu dans la bouche de demoiselles pour ne pas le conforter dans ses travers. Maxine ne dénotait pas de ses congénères du même sexe ; toujours à se faire de fausses idées. «  si je voulais lui parler, je serais allé la voir directement, tu ne crois pas ? » Gloussa-t-il en se redressant. Il observa un groupe d’aspirants passer non loin et croisa ses bras en observant attentivement la blondinette. « Je passais dans le coin et je t'ai vu. C'est plutôt rare et JE vais bien aussi, merci de le demander ! » Il s’était empressé de répondre à sa place pour mettre l’accent sur son manque de manières. Miss claquettes avait son franc parlé, mais il se désolait de voir qu’elle ne se souciait pas vraiment de savoir comment il allait. Il haussa un sourcil et finit par détendre ses dorsaux. À croire qu’elle le crispait toujours un peu plus à chacune de leur rencontre. «  On m’a dit que tu t’en étais pas mal sortie lors de la dernière sortie en forêt. Ce qui est une bonne chose ! » L’aveu fait du bout des lèvres, entre amusement et réelle fierté, l’insista à serrer les poings. «  La team Fairwood est toujours dans la place. » Il s’amusa de cette anecdotique victoire en mimant un champion face à une foule en délire et finit par se calmer tout seul. Armé de son indéfectible sourire, Alexander Ward était toujours l’arrogant garnement prêt à toutes les pitreries pour s’assurer d’avoir l’attention. D’ailleurs, il finit par repenser à leur première rencontre et insista dans un débordement de malice. «  En parlant de victoire. T’avais pas pris ma casquette quand on été mômes ? Je me suis toujours demandé si tu l’avais gardé ou si tu l’avais jeté ? Non pas que je veuille la récupérer… Juste je me demande si Miss claquettes était du genre à conserver des trophées de guerre ? » Après tout, elle était une guerrière, du moins dans son esprit. Elle l’avait prouvé aussi en ne baissant pas les bras et en étant encore là devant lui. La petite Miss claquette de Fairwood avait de la ressource et contre toute attente tenait bon la barre. C’était étonnent et cela déjoué tous les pronostics. «  Il me semble que c’est bientôt à ton tour de passer le rituel préparatoire ? Comment tu te sens ? » Le ton avait changé, Alexander avait troqué ses manières de sale gosse contre une certaine inquiétude qui ne pouvait paraître que sincère.

Avril 2018

Alexander suivait assidûment du regard la gestuelle de la petite blonde. Cette lecture silencieuse, avait légèrement durci son regard un bref instant, avant de s’adoucir à l’évocation de la douleur. Il tendit alors son bras vers elle et déposa sa main sur la tête de Miss claquette pour ébouriffer sa tignasse. «  T’inquiètes pas. T’es une dure à cuire. Cela sera une simple formalité ! »
Intérieurement, Alexander était loin d’être aussi confiant. Son ton enjoué caché sa pathétique prestation quelques années plus tôt. Inquiet, il en avait dégobillé son déjeuner. Sur le même ton enjoué, il libéra la blondinette et fit mine d’avancer dans le chemin. «  Ce n’est qu’une formalité. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le rituel préparatoire… Je t’avoue que je suis beaucoup moins tranquille avec le rituel de la marque ! » Il s’était confié dans une pseudo-hilarité, comme si tout cela était parfaitement banal. Pourtant, tous les aspirants connaissaient les risques. Le rituel avait beau existé, certaines fois, il y a avis des pertes lors du marquage des aspirants.
Alexander ne laissa rien transparaître de son inquiétude. Non pas qu’il craignait de mourir. Depuis qu’il avait perdu son père, sa relation avec la mort avait changé. Il craignait davantage de perdre les siens et en particulier Ciaran. Il était devenu son double, son frère, sa moitié. En quelques années, l’Irlandais avait fait sa place même dans sa famille, à tel point que les voir l’un sans l’autre tenait presque d’un miracle. Alors imaginer sa vie sans lui à ses côtés était tout bonnement inimaginable. Encore une fois, personne ne pouvait prédire l’avenir, enfin, personne ne pouvait être certain de passer cette fichue épreuve et le comprendre et l’accepter n’était pas évident.
Dans un débordement de nonchalance, il enfouit ses mains dans ses poches en levant le nez vers le ciel. «  On a déjà eu cette discussion. Personne n’a d’emprise et c’est putain de dur à encaisser. » L’aveu fait, il sourit cette fois plus timidement, comme si le poids de ses mots lestés encore ses lèvres.

Avril 2018

Statufié dans une pseudo-expectative, Alexander n’avait rien trouvé à redire. Elle l’avait surpris, tout d’abord en croyant en lui, puis elle s’était lentement enfoncée dans son discours dans une audacieuse et non moins charmante allocution hasardeuse. « Pardon ? » Gloussa-t-il avec délice. S’il avait bien tout suivi et rien n’était certain, Miss claquette se faisait du mouron pour sa pauvre carcasse. Bien que les mots étaient maladroits, ils ne manquaient pas de flatter un ego déjà bien érodé par la vie. « Mon enterrement, voyez-vous ça ! ». Le nez en l’air, les lèvres pincées pour se retenir de rire, il écouta d’une oreille distraite la suite. Elle s’inquiétait, c’était mignon. Cela le touchait, il ne pouvait le nier. La caboche débordant de question, il jeta un coup d’œil vers la bouille boudeuse de son interlocutrice. Elle n’aimait pas les sermons, il l’avait bien noté il y a quelque temps de cela, mais voilà qu’elle revenait au cœur du débat dans un discours un brin trop optimiste. Bien qu’il aurait eu envie de nuancer tout cela avec ses propres convictions, Alexander se contenta de garder le silence.  Il n'avait pas envie de se battre avec elle, il n'était pas là pour cela. Son regard doux balayait encore la silhouette de la petite blonde avec grand intérêt, dans la douloureuse envie de l’ébouriffer de nouveau. Elle ne semblait pas non plus avoir apprécié cela ce qui ne faisait que rendre cette envie plus redoutable encore.  Alors dans un soupir de frustration, il étira un peu plus son sourire et se contenta de souffler avec désintérêt « Oui… Peut-être… Surement, même. » Ses yeux s’étaient détournés vers des limbes invisibles alors que la pluie commençait lentement à tomber autour d'eux. Quelques gouttes d’abord, qui perlèrent sur ses joues, avant qu'un déferlement de trombes d’eau ne les oblige à courir vers la devanture d’un cabanon. L’averse était bien trop forte pour se risquer à courir plus loin dans une forêt parsemée de rochers et un sentier rendu glissant les intempéries. Le plus prudent était d’attendre à l’abri que la pluie se calme un peu.
À ses côtés, il n’y avait que Miss claquette et bien que l’auvent pouvait accueillir plusieurs personnes, ils étaient maintenant seuls dans l'immensité du vacarme tonitruant du déluge ambiant. « Un peu plus et on se noyait ! » Dans une demi-hilarité, Alexander ébouriffait maintenant sa tignasse en gesticulant de la tête comme un pantin ridicule. Il peinait à décoller de sa carcasse son tee-shirt imprégné d’eau et il regrettait maintenant de ne pas avoir pris un sweat-shirt à capuche. Ciaran, l’avait pourtant prévenu sur la possibilité d’un changement brutal de météo et comme d’habitude, il avait préféré s'en remettre au destin. Dans un haussement d’épaule, il se retourna vers Maxine et s’agrippa à un poteau pour l’interpeller. « Maintenant, que nous sommes coincés ici tous les deux, dis-moi… Tu me complimenterais comment à mon enterrement ? Je suis curieux. » Sourire éclatant aux lèvres, cheveux dégoulinant, il se faisait un malin plaisir de la mettre une nouvelle fois au pied du mur. Sa curiosité était forte, presqu'autant que son envie de la taquiner.

Avril 2018

Dans une asymétrie sourcilière, Alexander observa la petite blonde d’un air méditatif. Sa demande était pour le moins assez… Inattendue. Bien qu’il fut assez surpris par sa requête, il finit par pouffer de rire et s’exécuta sans plus d’hésitation. Il s’allongea par terre, un bras derrière la tête et fit mine de fermer les yeux. Bien qu’il les ouvrait de temps en temps pour s’assurer qu’elle ne lui joue pas un mauvais tour, il se prêta au jeu et écouta studieusement ce qu’elle avait à dire. Aux premières confessions, il dut faire un effort surhumain pour ne pas pouffer de rire. Ce qu’elle racontait était loin d’être déplaisant. C’était assez flatteur et cela lui convenait parfaitement. La référence au maître Jedi, lui fit ouvrir définitivement les yeux et racler sa gorge pour revenir à un peu plus de sérieux. Puis elle continua et acheva sa tirade par une confession touchante qui l’obligea à s’accouder au plancher détrempé. Il la fixait dans un sourire bienveillant, à mi-chemin entre amusement et reconnaissance. Elle s’était pliée à l’exercice sans trop s’écarter du chemin, à vrai dire, il n’en attendait pas moins. « Amen », conclut-il en faisant mine de se relever. Mais lorsque elle précisa son dernier geste, il s’immobilisa et la dévisagea avec sidération avant de pouffer comme un gamin. « Une si jolie casquette !  » Loin de vouloir se relever, le blondinet se redressa pour s’asseoir. Il prit le temps de poser ses bras sur ses genoux et laissa son regard se perdre dans le paysage. « Tu sais, je me suis toujours demandé ce que les gens diraient à ma mort…  » Il déglutit péniblement et balança sur un ton léger. « Je ne pense pas être de ceux qu’on regrette. Bien sûr, j’imagine que ma sœur et ma tante seraient tristes, mais à part ça… Peut-être Ciaran et après… Je ne sais pas.  » Il rigola, se moquant de ses propres inquiétudes et les balaya en se laissant tomber sur ses coudes. « Je suis contente de te manquer un peu, Miss claquette. Cela me réchauffe le cœur.  » Un large sourire sur les lèvres, il la dévisagea avec insistance avant de souffler innocemment. « Veux-tu que je te dise ce que je dirai à ton enterrement ?  » 

Avril 2018

La petite blonde ne manquait pas d’atouts. Alexander s’était laissé prendre au jeu et sans même se rendre compte voilà qu’il l’observait encore. L’image dans son ensemble, puis chaque détail qui lui arrachait un sourire d’amusement. Elle n’était pas une oeuvre facile à décrypter au premier coup d’oeil. En bon esthète, il avait eu l’audace d’égratigner le vernis et les paillettes pour faire surgir l’éclat originel. « Vraiment ? » La confession anecdotique le fit sourire. Il ne connaissait pas vraiment Mme Bell, mais sa présence sur les chaines locales lui avait laissé l’occasion de s’en faire un portrait. Réaliste ou pas, il était évident qu’il ne faisait qu’effleurer la vérité. Cette quête de réponse ne l’intéressait pas le moins du monde. Pourtant, il avait écouté attentivement, comme si au bout du compte, ce que voulait bien lui confier Maxine était digne d’intérêt. Une première en soi, puisque le jeune homme brillait plutôt pour son manque d’intérêt envers les sujets un peu trop « engageants ». Vautré en arrière, Alexander était loin d’analyser tout cela, il préférait se laisser porter par le courant, tout en ne perdant aucune miette du charmant spectacle auquel il assistait. Ravi qu’elle dissipe le doute et mette fin à l’attente, Alex ne prit pas la peine de se redresser pour commencer l’éloge funèbre. Le nez en l’air, les cheveux collés au visage, il laissa la pluie jouer ses notes introductives, avant de réciter son titre. « Maxine Bell ». Il jeta un coup d’oeil rapide vers elle, et commença dans un timbre grave comme s’il récitait des vers. « Dans l'ombre des étreintes du destin, nous voici réunis en ce triste matin, pour rendre hommage à la déroutante Maxine Bell. Elle était comme un feu d'artifice dans un ciel. Sa quête perpétuelle de validation, comme un papillon cherchant la lumière, la poussait à des exploits aussi étonnants qu’improbables. » Un sourire étira ses lippes, comme si la profusion d’idées qui venaient se fracasser dans sa tête l’amusait. Nul doute qu’elle l’inspirait, sinon à quoi bon étaler sa verve. Un courant d’air frais le fit frissonner, le poussant à reprendre en enfouissant son nez dans son épaule. « Son besoin insatiable de prouver sa valeur, restera gravé dans mon coeur… Adieu ! » Avec plus de poigne, le ton de l’éloge retrouve ses notes plus légères. « Adieu, vaillante amie, toi qui as brandi ton épée avec tant de grâce et de bravoure. Puisses-tu trouver la paix éternelle là où les combats sont éternels et où les âmes vaillantes reposent enfin. » Tout en achevant ces mots, il ponctua tout cela d’un nouveau sourire et une pointe de sarcasme « Je vous rends le micro Madame Bell ! ».

Avril 2018

Le malaise était palpable et Alexander se demandait s’il n’avait pas poussé la plaisanterie un peu trop loin. Cela lui ressemblait bien d’être une fois encore une source intarissable de déception. Cette désagréable habitude lui collait même un peu trop à la peau ces dernières années. Il inspira alors profondément et se pencha à peine vers la petite blonde.
Elle avait cette curieuse posture qui la faisait ressembler à une sorte de tortue prostrée dans sa carapace. Une chose qui aurait pu le faire sourire d’ordinaire, si seulement l’instant ne lui avait pas inspiré une certaine solennité. A bien y regarder, Maxine Bell lui donnait l’impression d’avoir adopté une posture de défense.

Fallait-il en déduire qu’il lui avait fait mal ?
Le nez retroussé dans une drôle de grimace, il racla brusquement sa gorge nerveusement, tout en se redressant. Assis en tailleur, le dos bien droit, le blondinet jouait le chrono en se triturant les méninges. Elle mettait à mal sa raison, sa logique et possiblement et indéniablement son cœur.

Autour d’eux, la pluie tombait encore. Les percussions des gouttes sur l'auvent de la cabane n’étaient pas si désagréables en soi et hormis la fraîcheur qui engourdissait maintenant les membres, Alexander n’avait pas vraiment envie de se défaire de cet instant, aussi dérangeant soit-il. Étrangement, c’était même excitant.

L’adrénaline afflua brusquement dans ses veines. Si ses yeux avaient préféré fuir depuis longtemps la silhouette gracile à ses côtés, il essayait à présent de se focaliser sur un moyen de briser le silence. Il s’apprêtait d’ailleurs à parler lorsqu’elle le devança dans un non moins étonnante confession qui le laissa sans voix.
Plus attentif que jamais, il avait pris le temps nécessaire pour écouter tout ce qu’elle avait à dire.  Miss claquettes en avait gros sur le cœur. Tout cela l’étonnait lui-même, car pour une fois, rien de ce qu’elle lui reprochait n’était réellement fondé. « Je ne sais pas… » Admit-il à demi-mots tout en lui adressant un sourire d’embarras. Le nez enfoui dans son épaule, la gueule d’ange cherchait ses mots tout en frottant inlassablement sa joue dans les fibres cotonneuses de son tee-shirt. « En fait, je n’ai pas vraiment réfléchi. J’ai dit ce qui me passait par la tête. Ce que tu m’inspires. » Sa voix se fit plus basse, tandis que ses yeux plongeaient dans les reflets azuréens de son interlocutrice. Il ne disait pas que tout ce qu’il avait pu souffler jusqu’ici n’était que le fruit du hasard, non, c’était un peu plus profond que cela, mais. « Pour être tout à fait honnête… » Étala-t-il son sourire en coin tout en se penchant vers elle. « Je ne sais pas si je te connais vraiment. » Confession faite, il inclina légèrement sa tête sur le côté pour examiner l’effet de ses paroles sur son joli minois, avant de tendre ses doigts vers une mèche de cheveux qui lui faisait de l’œil. De mémoire, jamais encore, il ne s’était risqué à s’approcher aussi près. La manœuvre était risquée, un tantinet audacieuse, voire même totalement déplacée. Mais Alexander n’avait jamais brillé pour son sens inné de la logique et ni encore moins pour son respect de la bienséance. Ses lippes s’étirèrent encore et tandis qu’il replaçait tendrement le voile capillaire au reflet d’or derrière le lobe de l’oreille de Maxine, son assurance s’incarna dans un lancinant  « Il faudrait approfondir un peu plus le sujet, je pense. »

Avril 2018

Elle semblait réagir ou pour être tout à fait exacte, elle semblait réceptive à son approche. Pourtant, pour le Casanova en herbe figé dans l’expectative, il n’était pas si évident pour lui de décrypter les brumeuses attentes des filles. Alexander s’était bien évidemment frotté à leur manière particulière plus d’une fois, mais il s’étonnait toujours de voir le résultat. D’une fille à l’autre, tout pouvait changer et Miss claquettes ne dérogeait pas à cette règle. Rouge cramoisie, sa réaction était... Troublante et sa réponse avait de quoi le laisser tout autant perplexe.

La pistache ? Après un bref silence, Alexander pouffa de rire. Sa tête partie involontairement en avant dans un spasme d’hilarité qu’il eut le plus grand mal à contenir. Avec tout le sérieux dont il était capable, il haussa les sourcils et opina de la tête. « C’est… Assez… Inattendu comme réponse, mais elle à le mérite d'être très franche pour le coup. » Il pinça ses lèvres et se recula pour mieux regarder la petite blonde. Que devait-il penser de tout cela ? Alexander Ward ne savait maintenant plus trop comment interprété cette curieuse confession. Contre toute attente, il poursuivi avec la même spontanéité : « C’est ton parfum préféré ou bien, c’est sorti tout seul ? »

Et oui... La gueule d’ange n’avait pas perdu le nord pour autant. La réponse aussi mignonne soit-elle, sonnait comme une diversion pour l'apprentie stratège. plutôt convaincu qu'il lui faisait de l'effet, il ne lui laissa pas vraiment l’opportunité de se perdre en explication. « Est-ce que je t’intimide Miss Claquettes ? » Goguenard, le blondinet s’était adossé nonchalamment à la cloison pour mieux la provoquer. Il étira ses lèvres, conscient du poids de ses paroles et continua sans défaire son regard du sien «  On évite de rentrer dans le coeur du sujet ? » Qu’avait-il exactement en tête ? Lui-même ne le savait clairement pas. Peut-être tentait-il de provoquer un retour à la normale en titillant son ego, ou bien s’assurait-il d’avoir cette fois en main toutes les cartes pour décoder ce coup de chaud qui avait envahi les joues de son interlocutrice. Seule la réponse de Maxine pourrait dissiper les dotes entourant ses motivations.