Qu’est ce que cela faisait du bien de ne plus être enfermé derrière quatre murs ! Depuis que Maverick avait quitté Moon Lake il n’avait cessé d’avoir l’impression d’être toujours en cage, même si les limites étaient devenues impalpables. Il n’y avait en effet plus de barreau pour le cloisonner, mais le fait d’être quasiment tout le temps chaperonné et suivi par Dairine était tout aussi efficace. Il avait même dû ranger rapidement une pièce chez lui pour lui aménager une chambre. Après, il fallait reconnaître que l’Alpha avait fait quand même un grand geste envers lui en le laissant retourner à Fairwood alors qu’il n’était qu’un Bêta. La présence d’un Gamma avec lui était la condition sine qua non. Pas de Gamma, pas de retour au bercail ! Ce n’était pas forcément pour lui plaire mais ça aurait pu être pire. Ils avaient attribué cette tâche à l’Irlandaise, avec qui il s’entendait plutôt bien.

S’il n’y avait que cela, il pourrait s’en accommoder plutôt ou moins mais il y avait aussi la suspicion que ses chefs commençaient à avoir. Sa disparition de plusieurs mois sans nouvelle, son retour surprise avec une justification un peu foireuse et ses récents aller-retour à Moon Lake étaient gentiment en train de les mettre sur la piste. Ou en tout cas, éveillaient des doutes chez eux à son égard. Le pire, c’était qu’il ne savait même pas comment ils réagiraient s’ils apprenaient qu’il était à présent un Loup-garou. Si encore il connaissait leurs opinions réelles, il pourrait prendre une décision et faire un choix quant à leur dire ou pas. Cela avait le don de le mettre en rogne. Il rongeait son frein comme il pouvait mais il savait que si la situation ne changeait pas, il allait finir par craquer et faire une connerie à un moment ou à un autre. Et on ne pouvait pas dire que le poilu à l’intérieur de lui l’aidait beaucoup. C’était pour cela qu’il était vraiment limite qu’il quitte la tanière. Il avait dû faire preuve de patience et de persuasion pour réussir à ce qu’on accepte de lui confier une mission à l’extérieur de la Bibliothèque ou de son bureau. C’était pour ça qu’il n’avait pas fait son difficile sur la tâche qu’on lui avait confiée. La meute avait aussi décidé qu’il irait seul pour cette fois pour limiter les soupçons vis à vis de lui.

Le Deccan. En endroit où il n’avait jamais mis les pieds. Pourtant, il s’y trouvait une importante communauté de Sorciers et de Fées. C’était d’ailleurs auprès de l’un des membres de ce peuple qu’il avait rendez-vous. Marhan Arun. Ils avaient déjà eu l’occasion de se croiser dans les couloirs de l’Académie à de nombreuses reprises, leur promotion n’étant séparée que de trois ans. A part cela, ils ne s’étaient jamais côtoyés, n’ayant que peu de choses en commun. Mais ce n’était pas pour autant que l’Erudit n’avait jamais entendu le nom de l’élémentaire. Après tout, le jeune homme était promis à un poste important, en tout cas, dans l’histoire fée. Mais ce n’était pas cela qui l’amenait. Ou pas tout à fait. Si Maverick se rendait sur ce territoire de l’Inde, c’était justement parce que des Fées s’étaient installées là lors des purges magiques menées par les humains. Au vue de la durée d’établissement sur ces lieux et du fait que, par la suite, un coven était venu s’y établir aussi, il était fort probable que des reliques et des artefacts s’y trouvent. En tout cas, c’était ce que devait vérifier le blond. Et si l’hypothèse s'avérait bonne, il devait en établir une liste détaillée avec le plus de détail possible.

Maverick regarda autour de lui. L’Atrium venait de le mener au coeur de la forêt mais surtout, aux pieds de la cité des Fées et Sorciers s’étant établis là. Il se trouvait dans une vallée encaissée, difficile d’accès par voie terrestre. C’était certainement pour cette raison que cet endroit avait été choisi de nombreux siècles auparavant. Il plongea sa main dans sa poche et sortit son téléphone. Il lui avait été demandé de tenir au courant de ses avancées le plus souvent possible, à commencer par l’instant où il mettrait les pieds sur ce territoire. Une façon de le fliquer mais il s’en foutait. Il devait aussi tenir Dairine au courant et pouvoir l’appeler à tout instant en cas de probleme. Elle était son filin d’équilibriste et on venait tout juste de le lui enlever, le laissant sans filet de sauvetage. S’il tombait, c’en était fini pour lui et surtout, c’était la meute qu’il mettait en danger. Il esquissa une grimace avant de mettre le GSM à sa place ; il n’y avait malheureusement pas de réseau où il se trouvait. Il allait falloir qu’il trouve un autre moyen pour faire ses compte-rendus. Il verrait ça plus tard et certainement que Marhan pourrait lui apporter une réponse. Même si cette communauté était restée longtemps à l’écart du monde, elle devait bien s’être modernisée depuis.

Se rappelant les indications qu’on lui avait transmises, il se rendit au bureau du Grand Djinn. Après être rentré dans le bâtiment, il s’adressa à la personne de l’accueil.

Bonjour. J’ai rendez-vous avec Mr Arun Marhan. Je suis Mr Reed.

Maverick n’eut pas beaucoup à attendre. La standardiste n’eut même pas besoin de faire appeler Mr Arun, celui-ci se dirigeait déjà vers eux. L’Erudit se tourna vers lui quand il entendit son nom. Il serra la main qu’on lui tendait, tout en observant l’homme en face de lui. Cela faisait de nombreuses années que les deux hommes ne s’étaient pas revus. Après tout, ils n’avaient que peu de chose en commun. Ils s’étaient croisés quelques fois à l’Académie pendant qu’ils faisaient leurs études respectives mais cela s’arrêtait là. Le lycan avait entendu parler un peu de l’Indien depuis. Il fallait dire que son nom n’était pas inconnu dans le monde magique pour ceux qui s'intéressaient un peu aux autres peuplades. Évidemment, la réciproque n’était pas de mise et cela convenait parfaitement au Descendant. Rester dans l’anonymat lui allait très bien. Encore plus maintenant qu’un Esprit-Loup l’avait choisi comme hôte. C’était parfois déjà assez compliqué de se faire une place dans le monde des Sorciers en étant un Sans-Magie, mais en étant un lycanthrope, cela devenait quasiment mission impossible vu l’animosité et la méfiance que les deux parties avaient l’un envers l’autre.

“Mr Arun. En effet. L’Académie permet bien des rencontres de tout horizon.Nous y avons étudié à peut prêt en même temps.”

Maverick emboita le pas à l’adjoint du Grand Djinn quand ils sortirent du bâtiment. Il écouta attentivement les explications et présentations de son interlocuteur, les notant dans un coin de son cerveau. De plus, en dehors de la tâche que le Consortium lui avait confiée, il était curieux de connaître l’endroit. Il n’avait jamais eu l’occasion de venir ici et il aimait bien découvrir de nouveaux endroits. Ainsi, s’il pouvait lier l’utile à l’agréable, ce n’était que bonne chose. Il recoupait ce que Marhan lui disait avec les quelques informations qu’il avait pu trouver sur le Deccan. Jusqu’à présent, son plus gros du travail, depuis qu’il travaillait pour le Consortium, avait porté sur le monde sorcier. Il n’était pas un total néophyte sur les autres peuplades mais ce n’était pas non plus un expert. La mission qu’on lui avait assignée lui donnerait l’occasion d’élargir et d’approfondir ses connaissances.

“Les Fées originaires du Deccan ont-elles déjà fait un inventaire des biens magiques ou historiques que vous avez ici ? Ou que vous avez eu et qui se sont perdus avec le temps ? A part l’accès par l’Atrium, vous n’avez pas d’autres contacts avec le monde extérieur, si je ne me trompe pas. Vous avez mis en place des barrières magiques ? Ou bien la topographie des lieux et le fait que le coin soit vraiment reculé et perdu suffit à faire que les humains ignorent toujours l’existence de ce lieu, malgré les nouvelles technologies dont ils disposent à présent ?”

Il essayait de déterminer si, à terme, il devrait en venir à élargir ses recherches au cas où des reliques aient franchi les frontières du Deccan pour se retrouver dans le monde des humains les plus proches. Il en doutait, car après tout, cet endroit était resté ignoré de tous pendant des siècles avant que des sorciers ne les rencontrent par pur hasard.

Maverick suivait Marhan dans les rues de la ville. Il essayait de prendre ses repères pour s’il aurait à se déplacer seul par la suite. Cela serait gênant s’il devait demander son chemin à chaque fois qu’il sortait. Il se fit plus attentif quand l’Indien mentionna les archives. Ainsi donc, il en existait bien.  Cela faciliterait son travail. Il faudrait juste qu’il n’oublie pas de prendre en compte que celles-ci n’avaient commencé qu’à partir de l’instant où les premiers sorciers avaient repris contact avec la population du Deccan. Ainsi donc, il était possible que des artefacts datant d’avant ne soient nullement mentionnés. Il faudrait qu’il voit par la suite s’il existait des récits, contes et légendes, écrits ou orales, qui dateraient d’avant et qui remonteraient jusqu’à la création du territoire. En tout cas, le Fée avait raison, il était fort probable que l’Erudit trouve les documents forts intéressants. Encore plus si, par la même occasion, il pouvait observer de visu les objets qui étaient mentionnés.

Son regard se porta sur la géographie environnante. En somme, Le Deccan n’avait pas besoin de construire de forteresse, cette dernière s’étendant déjà tout naturellement autour d’eux. Et si ce n’était pas suffisant, ils leur suffisaient juste de faire usage de leurs capacités liées à la terre pour rendre cet endroit imprenable. Malin. En même temps,  ce n’était pas étonnant de la part d’un peuple opprimé et chassé d’avoir choisi un lieu facilement défendable et difficilement prenable pour s’installer. Maverick pouvait entendre dans le ton de l’élémentien, la touche de fierté qu’il ressentait vis-à-vis de son peuple et de ses ancêtres d’avoir su trouver cet emplacement pour faire en sorte qu’ils y soient en sécurité. Il donnait même l’impression d’être satisfait que le Deccan ne soit pas plus que cela relié au monde extérieur. Ils avaient appris à vivre entre eux et visiblement, ce qu’ils avaient découvert quand ils avaient repris contact avec le reste du monde, ne les émerveillait pas plus que cela, au contraire.

Cela démontre en effet une sacré maîtrise de votre art. C’est impressionnant. La ville se trouve juste en surface ou bien elle s’étend aussi dans les sous-sols ?

Il reporta son attention sur le bâtiment vers lequel le manipulateur de Terre les dirigeait. Il ne lui avait pas dit où ils se rendaient. Etait-ce les archives ? Un musée ? Ou bien encore un autre endroit à l’utilité spécifique à ici ? A moins qu’il ne l’ait tout simplement amené au lieu où il allait pouvoir poser ses affaires. Il était vrai qu’il pouvait faire les aller-retour entre le Deccan et Fairwood tous les jours, par les portails, mais il préférait séjourner sur place. Enfin, il n’allait pas s’imposer non plus. Même si le Deccan s’était ouvert peu à peu aux autres, ça restait un peuple et une cité assez renfermés. L’Erudit allait déjà se montrer intrusif en mettant le nez dans leurs archives et en recensant leurs artefacts. Il ne faudrait pas qu’il abuse de leur hospitalité sans s’en rendre compte, par ignorance ou par trop grande familiarité.

Tous les artefacts sont regroupés au même endroit ou bien chaque famille à qui ils appartiennent en conserve la garde ? Si c’est le cas, il faudra essayer de voir si ces personnes veulent bien me recevoir pour que je puisse constater que les objets référencés sont bien les bons.

Il n’était pas certain que cette dernière demande soit bien perçue, car il fallait avouer que ça pouvait être pris comme de l’intrusion dans la vie privée d’autrui. Mais il avait déjà constaté, au cours de sa carrière, des erreurs entre ce qui était référencé et ce qui était réellement en possession. La plupart du temps, c’était une interversion entre deux objets mais il arrivait que cela permette de mettre au jour un vol dissimulé.