Celle qui devait faire un choix - ft Ciaran Foley

La rentrée était passée, et les premières pierres de la nouvelle vie de Coraline étaient également posées. Elle avait espéré croiser plus souvent Ciaran, mais les bases de leur « relation » avaient été créées pour lui laisser un maximum de liberté. Dans l’enceinte du Consortium, elle était libre d'aller et venir comme elle le souhaitait. Elle ne sortait pas vraiment, sauf pour retourner chez sa tante, le plus souvent accompagnée du chauffeur de celle-ci. Du coup, les tête-à-tête avec Ciaran étaient rares et un peu trop souvent en compagnie de son frère pour qu’elle les apprécie à leur juste valeur. Elle se demandait souvent ce que ces deux trouble-fête faisaient de leurs journées et s’ils fréquentaient d’autres étudiants. Cela lui paraissait normal, en un sens, mais quelque chose lui disait que ces deux-là continuaient à aller à contre-courant.

Deux jours s'étaient passés depuis ses échanges sur la falaise avec Ciaran. Cela avait remué des choses en elle, beaucoup de questions et surtout son abjecte curiosité. C’est le nez plongé dans son téléphone, à scruter minutieusement les réseaux sociaux sorciers, qu’elle ne se rendit pas compte que quelqu’un faisait obstacle à sa route.

«  Encore en train de stalker le beau gosse du coin ? » La voix la fit grimacer, comprenant instantanément à qui elle avait affaire sans même lever la tête. « Tu sais que les mecs détestent ça, les filles un peu trop psycho ? » Blake Anderson et sa grande gueule ne lui avaient pas le moins manqué. « Tu sais que lorsque tu étais muet, tu étais bien plus agréable. » Son interlocuteur rigola de bon cœur avant de prendre place à ses côtés pour poursuivre son chemin. « Tu n’as donc personne d’autre à embêter ? » poursuivit-elle, amère. Il étira ses lèvres et elle comprit instantanément qu’elle devrait soit accepter sa présence, soit le blesser suffisamment fort pour qu’il la laisse définitivement tranquille. Mais alors qu’elle pesait le pour et le contre, il lui arracha son téléphone des mains et commença à examiner le profil de Ciaran en le commentant à haute voix. « Tu as de drôles de goûts, Coco, et je suis sûr que ce mec ignore ton existence. » Gênée par les regards amusés des autres étudiants autour d’eux, elle arrêta d’essayer de récupérer son téléphone et croisa les bras en le toisant d’un regard assassin. « Eh bien non ! Crois-le ou non, il n’ignore pas mon existence et nous sommes très proches, » insista-t-elle avec dédain. Blake arqua son sourcil et examina la moue de son interlocutrice. «  Ouais….  » « Je t’assure. Je le connais depuis que je suis petite, c’est le meilleur ami de mon fr… » « Toi, tu lui rends ses affaires ou je t’explose. »

Alexander avait surgi de nulle part pour empoigner le tee-shirt du lycan. Il l’avait fait reculer d’un bon mètre avant de le repousser encore plus loin. Mort de rire, Blake se contenta de lever les mains en interrogeant Coraline du regard. Elle s’interposa avec force entre son frère et Blake et reprit tout bas. « Qu’est-ce que tu fais ? » Derrière Alexander, elle aperçut Ciaran et se sentit rougir. Blake tenait encore son téléphone entre les mains, ce qui pouvait potentiellement rendre cette affaire plus compliquée. « Ne t’approche pas de ce type. » renchérit Alexander avec véhémence. Sa voix était dure, chargée d’un dégoût que Coraline ne comprenait pas. Sa posture était suffisamment sur la défensive pour faire hésiter celle qui s’était pourtant érigée en rempart entre son frère et son… ami. Un simple coup d’œil en arrière vers la bouille goguenarde de Blake, lui confirma ce qu’elle ressentait au fond d’elle. Blake avait ses défauts, mais il ne lui ferait rien ; elle en était si fermement convaincue qu’elle défia son propre frère d’un regard noir. « Calme-toi… Qu’est-ce qu’il a fait ? » Les deux jeunes hommes se dévisagèrent à leur tour un long moment sans rien dire, comme s’ils hésitaient à poursuivre chacun retranché derrière d’obscures raisons. Ils partageaient cela en commun, cette détestable pugnacité qui brusquement céda lorsque le plus sage des deux renonça à jouer à ce petit jeu. Armé d’un petit sourire en coin, Blake se contenta de tendre le téléphone à Coraline. « Laisse tomber… Ce n’est pas grave. » souffla-t-il en lui adressant un regard compatissant. «  J’ai compris, pas la peine de la mêler à ça, » glissa-t-il à l’intention d’Alexander. Le temps que Coraline cherche des réponses dans les yeux de son frère, Blake était déjà loin, provoquant instantanément une vague de frustrations. « Tu m’expliques ce qu’il vient de se passer ? » exigea-t-elle des réponses. Alexander rehaussa sa posture. Son regard avait fini de suivre la silhouette de Blake dans la foule. « Ce n’est pas un type pour toi. » « Pour… moi ? C’est toi qui choisis à ma place ? Il me faut ton autorisation ? » Coraline était estomaquée. Depuis quand portait-il un jugement sur ses fréquentations et est-ce que Ciaran était d’accord avec cela ? Elle l’interrogea aussitôt du regard en espérant qu’il soit de son côté.

Comme tous les matins, la même musique te sort de tes rêveries. Ton téléphone connecté aux enceintes, l'air entraînant de Ramble On par les Led Zeppelin accompagne les premiers instants de cette nouvelle journée. Douche froide. Café chaud. Tu enfiles une [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] dans ton style habituel, plutôt casual avec une subtile touche militaire. Tes cheveux courts plus décoiffés que coiffés, il ne te reste plus qu'à attraper l'un de ces encas beaucoup trop sucrés dont tu raffoles avant de retrouver l'Académie du Consortium, et Coraline. Cette petite routine te plait bien. Tu n'aurais pas grand mal à t'y habituer, mais il est encore trop tôt pour ça. Si la crise est passée, ta jeune protégée peut encore décider de mettre un terme à tout ça. Tu n'en parles pas mais ça te pèse, tout comme ça doit peser la tête blonde qui te rejoint sur le pied de guerre "Allez soldat, nouveau jour nouveau combat !"

Au milieu des couloirs vous ressemblez presque à des étudiants comme les autres, à ceci prêt que tu as plusieurs armes dissimulées sous tes vêtements. Le Consortium est peut-être considéré comme une zone sure, mais tu es du genre prudent. Alex, lui, est plutôt du genre tête brûlée. Tu l'as su dès le premier jour, mais il le prouve une fois de plus -comme si c'était nécessaire- en jouant les gardes du corps zélé fasse à un étudiant taquinant Coraline. Un peu en retrait, tu observes l'altercation d'un air perplexe en piochant dans ton sachet de petites douceurs, des cacahuètes enrobé de chocolat. Ce n'est que lorsque le regard de la brunette se pose sur toi que tu comprends que tu  vas devoir t'en mêler. Faut toujours que ce soit toi qui récupère la patate chaude que ces deux là se balancent...

Tu lèches furtivement le chocolat fondu sur ton doigt avant de poser ta main sur l'épaule d'Alex dans un geste compatissant. "Relax grand-frère" lui lâches-tu alors, un brin moqueur "Il avait son téléphone dans la main, pas sa langue dans la bouche." La cacahuète que tu gardais dans la tienne explose dans un craquement sonore entre tes molaires avant que tu ne reprennes tranquillement "Elle a raison. C'est vrai... Elle n'a pas besoin de notre autorisation pour se faire des amis." Tu semble être du côté de la représentante féminine des Ward cette fois-ci. Cela dit, lorsque ton regard se pose sur cette dernière et que tu étires un sourire mutin mais un brin sournois, elle peut sans doute deviner que... Pas entièrement. "Comme je n'aurais pas besoin de son avis pour m'en faire un ennemi s'il pose le moindre problème."

MADE BY @ICE AND FIRE.

Son frère fulminait encore. Il semblait vouloir donner des explications, mais il ne dit rien de plus que ce qu’il avait déjà bien voulu lui dire. Coraline se demandait s’il y avait un rapport avec la nature de Blake. Les images qu’elle avait entrevues à son contact en disaient long sur sa nature. Elle y avait réfléchi brièvement, mais n’avait pas cherché à y voir une vérité absolue. Les visions des médiums pouvaient être interprétées de différentes manières, et elle n’était pas assez expérimentée pour s’y fier avec certitude. En revanche, son frère savait certaines choses. Elle en était certaine.

Elle s’extirpa de ses pensées brumeuses à l’évocation d’une image qui la fit grimacer. Ciaran venait clairement d’insinuer qu’elle pourrait mettre sa langue dans la bouche de l’arrogant Blake. Sérieusement ? Et il osait dire cela en plaisantant ? Les bras croisés, Coraline boudait maintenant. Le problème n’était pas tant d’embrasser cet imbécile, mais plutôt le fait que cette éventualité n’affectait pas le moins du monde son garde du corps.

D’un regard noir, elle croisa les yeux sombres de son frère, renforçant l’animosité de l’un et de l’autre. «  Ce n’est pas un ami, ça. » avait-il finalement craché avec amertume. Quelle immaturité. Elle s’apprêtait à répondre lorsque Ciaran lui coupa l’herbe sous le pied. Des problèmes ? Elle n’avait pas attendu Blake pour cela. Les problèmes venaient à elle naturellement, peut-être l’avait-il oublié ? Alexander finit par soupirer nerveusement, comme si la tournure de la conversation l’ennuyait à présent. «  Bah, élimine le problème avant la pleine lune, Kiki. Sinon, on risque d’en avoir un paquet.  » Le blondinet frappa amicalement l’épaule de son frère siamois avant de lancer un sourire sardonique. «  Je dois y aller. J’ai un rapport à faire. On se retrouve plus tard.  »

Coraline ne savait pas très bien comment interpréter les choses. La pleine lune, les visions… Fallait-il en déduire que Blake était bien un lycan ? Elle soupira à son tour et observa le téléphone qu’il lui avait dérobé un peu plus tôt. Blake n’était pas une menace. Il aimait la taquiner, mais c’était tout. L’écran s’alluma et elle hoqueta de surprise, avant de s’agiter nerveusement. La page était figée sur le profil de Ciaran entre ses doigts. Ses yeux remontèrent vers le Dark Minder avant qu’elle ne lui tourne le dos pour actualiser la page et effacer l’historique de ses recherches. Cela lui prit de longues secondes avant qu’elle ne retrouve une certaine contenance et tente de faire diversion. « Blake n’est pas un ennemi.  » Oui, c’était évident pour elle, mais face aux yeux si profonds de Ciaran et son sourire ravageur, elle se sentit bêtement rougir. Elle était de nouveau seule avec lui, et les choses s’étaient enchaînées de façon à ce qu’elle se sente obligée de vérifier. « La question que je me pose maintenant, c’est si c’est moi qui dérobe sa langue, est-ce qu’il le deviendrait ? » Oh, elle pouvait encore rebondir. Prétendre que ce n’était qu’une blague, une façon de le provoquer ou de vérifier s’il pouvait faire preuve de discernement en affirmant sa position de garde du corps. La tantine avait été claire, Ciaran n’interviendrait pas dans sa vie et ses choix, sauf si cela la mettait en danger, mais c’était plus fort qu’elle. Coraline se devait de vérifier si son amour de toujours pouvait la voir autrement que comme une gamine ou, pire encore, comme une frangine. Elle n’avait pas trouvé de trace de petite amie sur les réseaux sociaux sorciers, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait personne dans son cœur. Le regard enlisé dans les éclats envoûtants des prunelles espiègles du Dark Minder, la petite brune tentait encore de mener la danse. Elle n’était plus une enfant, il fallait qu’il le comprenne coûte que coûte. Ce sentiment qui soulevait tout son corps et lui donnait des bouffées de chaleur, elle l’éprouvait depuis toujours. Qu’importaient la distance, les rencontres et les problèmes, ils n’avaient pas vacillé une seule fois. Elle finit par sourire tendrement, occultant la malice de sa précédente question. « Et pourrais-tu devenir ton propre ennemi, Ciaran ?  »

Vilaine fille, pensa-t-elle tout en lui tirant mentalement la langue. Peut-être était-il temps de mettre certaines choses au clair. L’ennemie, c’était elle.