L'ombre et la lumière

Sous une pluie battante, Alexander courait encore.

La course avait débuté au petit matin lorsqu'en mission à des milliers de kilomètres, les nouvelles lui étaient parvenues. Les échos du Shutterdom n’étaient pas bons. Il avait fallu composer avec les ordres de mission, prendre les devants en abandonnant ses coéquipiers dès que l’autorisation lui avait été donnée. Cela avait pris une grosse partie de la matinée, une éternité à ressasser toutes sortes de pensées, à tourner comme un lion en cage sous l’œil impassible de son équipe. Une cérémonie de la marque sans perte était rare, chaque aspirant le savait, chaque Dark Minder le gardait inscrit dans sa chair. Pourtant, se retrouver confronté à ce rappel était rude, surtout lorsqu’il s’agissait d’un proche.

À bout de patience, le blondinet avait pu enfin rejoindre l’Atrium. Quelques minutes avaient suffi à le décider à affronter la pluie sans attendre la navette qui aurait pu l’amener à Fairwood. À grandes enjambées, Alexander avait dévalé les pentes délavées, il s’était frayé un passage dans la forêt, jusqu’à rejoindre l’Upper Fairwood et ses opulentes villas. Détrempé, tant par l’effort que par la météo détestable, il parvint enfin devant la maison de Maxine. Le souffle court, il hésitait à présent à s’avancer dans l’allée. Les lumières brillaient encore à travers les vitres embuées, mais il arrivait un peu tard à son goût, pour ne pas sentir une pointe de gêne devant les faits ; deux jours s’étaient écoulés depuis la cérémonie de la marque. Ce n’était pas sa faute s’il avait appris la nouvelle trop tard, il se le répétait en boucle, comme pour se convaincre qu’il y avait une certaine légitimité à son absence, mais au fond de son âme, il redoutait d’être confronté à la dure réalité. Elle s’était rappelée à lui par la soudaine apparition de lumières tout autour de lui. Ce brusque retour l’avait propulsé sur le devant de la scène avec pour seule arme sa spontanéité. Jusque-là, elle n’avait pas été si mauvaise et lui avait même permis d’éviter le pire. Alors pris d’un soudain élan de courage, il prit du recul et grimpa sur le toit du garage. Bien que l’ascension soit périlleuse par temps de pluie, le blondinet préférait largement se casser un membre plutôt que de se risquer à croiser la mère de Maxine. Les mères surprotectrices et abusives étaient de loin ce que le Dark Minder redoutait le plus en ce monde.

Il parvint, dans un jeu d’équilibriste, à atteindre la fenêtre de Maxine et tapa aussitôt aux carreaux dans l’espoir qu’elle ne le condamne pas à prolonger cette douche diluvienne. Derrière la fenêtre, elle était pourtant là. Tout en la regardant s’approcher, Alexander se surprit à penser qu’il aurait peut-être dû prendre le temps de mieux l’observer et juger de l’instant. Il n’avait pas jugé bon de vérifier comment elle allait, si le moment était opportun, il n’avait fait qu’agir précipitamment comme si le monde s’était arrêté de tourner depuis qu’on lui avait soufflé que Alva n’avait pas survécu à la cérémonie. Qu’en était-il de Maxine ? Avait-elle refusé la marque, l’avait-elle acceptée, avait-elle réussi ? Toutes ces questions explosèrent sinistrement dans sa tête alors qu’elle ouvrait la fenêtre et le laissait définitivement figé dans une certaine perplexité. Maxine Bell était là, oui, elle était encore là et ce simple constat remplit si fort ses poumons de soulagement qu’il la saisit dans ses bras sans même encore avoir touché le sol. Maintenant qu’il pouvait enfin reprendre son souffle, qu’il était certain qu’elle était encore de ce monde, Alexander prit enfin le temps de respirer. « Je suis désolé…  » bredouilla-t-il, confus, en reculant sa tête pour entrevoir le regard de Maxine. « Je suis là maintenant.  »

Maxine pleurait.

C’était normal. Alexander s’y attendait, mais être confronté à la douleur de l’autre, la découvrir dans une vulnérabilité si criante, c’était… déstabilisant. Il ne sut pas quoi répondre face à tant de détresse. Le regard délavé de larmes de la blondinette lui renvoyait la violence des sentiments qui devaient déferler en elle. Le jeune homme connaissait ses tourments pour les avoir lui aussi éprouvés en d’autres temps. Il ne savait pas trop quels mots employer pour atténuer son chagrin. Par connaissance de cause, il n’ignorait pas qu’ils étaient vains, si le timing était mauvais. Et il arrivait si tard…

Ses bras se resserrèrent sur elle, tandis qu’il déposait son menton sur le sommet de son crâne. En la berçant ainsi, Alexander se donnait le temps de réfléchir à tout ça. Jusqu’ici, il n’avait fait que courir, sans une seule fois se poser de questions au sujet de Maxine. Décidément, il faisait tout de travers, il n’était qu’un ami déplorable, une déception de plus sans doute.

Maxine fit mine de se dégager pour respirer et il se sentit obligé de lui laisser brusquement un peu d’ampleur. L’étouffer n’était pas son intention, mais à trop se poser de questions, à trop vouloir la perfection, il recula et trébucha sur un objet qui encombrait la chambre. Il s’en voulut, de peur d’avoir attiré la matriarche à la rescousse de sa fille et paniqua brièvement en se redressant comme un pantin hors de sa boîte. « Désolé  », baragouina-t-il encore en se flagellant mentalement de n’avoir que ce mot à la bouche. Il se sentait à présent stupide et rigola nerveusement à la recherche de quelque chose où accrocher son regard. C’est là qu’il le vit… Le sac, et son cœur s’arrêta brusquement de battre. « Tu… tu fais quoi ?  » Et oui, il aurait dû prendre le temps d’observer, d’essayer de comprendre, d’anticiper, mais tout ça c’était hors de sa portée et il s’en voulait si fort pour cela.

Les poings serrés, la gorge nouée, il lui lança un regard bien involontairement sombre.

Elle pensait partir…
Elle avait dit cela sans détour, avec une certaine hésitation qui avait fini par assécher la bouche d’Alexander. Sans comprendre les raisons qui avaient tétanisé tout son corps, il finit par s’avancer vers le sac. Son regard figé sur l’objet, il se laissa aller à de brumeuses interrogations. « Partir…   » Cela ne lui avait jamais traversé l’esprit lorsqu’il avait perdu son père et encore moins sa mère. Trop jeune à l’époque, il ne se rappelait pas bien d’elle, ni même de son ressenti. Ses doigts frôlèrent le sac, comme si tout cela n’était en fait qu’une illusion. Après tout, le monde était suffisamment étrange pour que tout ceci ne soit qu’un rêve.

Derrière lui, un trémolo étouffé le fit retrouver ses esprits. Les yeux brillants, il dévisagea Maxine avec inquiétude. « Mais…   » Je suis là maintenant. C’est sûrement ce qu’il aurait eu envie de dire, avec un peu plus de courage, mais les mots se tarirent et à la place, il déroula un tout autre plaidoyer. « … Pour aller où et pourquoi ?   » L’étonnement et l’agitation accompagnaient ses paroles, tandis que son corps révélait bien plus dans sa posture. Alexander était raide, figé à l’idée de simplement la voir disparaître pour je ne sais quelle raison. Il ne comprenait pas sa précipitation, c’était confus et douloureux à la fois.

Il n’attendit pas qu’elle réponde pour reprendre en fermant les yeux. « Fuir n’est pas une solution.   » Il s’en voulut de cette morale sortie de nulle part et tenta de se racheter presque aussitôt en lui lançant un regard triste. « Je sais que c’est dur. Je suis bien placé pour le comprendre, mais je suis là. Tu n’es pas toute seule et puis…   » La vie continue. Cette simple idée scella l’élan qu’il avait amorcé. C’était sans doute encore trop tôt pour qu’il se risque à ce genre de discours.

Raison… Elle avait dit cela si tristement. Jamais encore Alexander n'avait eu aussi mal d'avoir raison. Les poings toujours serrés, il tenta de surmonter ce sentiment qui commençait à le submerger. S'il se laissait envahir par sa propre tristesse, il ne pourrait lui être d'aucun secours. Alors, pris d'un élan de courage, il l'enlaça de nouveau.

« C'est vrai, mais c'est faux… » La vie lui avait appris certaines choses depuis qu'ils avaient eu cette discussion. « C'est vrai qu'il y a des choses sur lesquelles on n'a pas de prise, mais nous restons maîtres de nous-mêmes. Je ne sais pas comment l'expliquer, » tenta-t-il de se reprendre en détournant le regard. Il cherchait ses mots pour qu'elle comprenne ce qu'il ne parvenait toujours pas tout à fait à cerner lui-même. La leçon n'était pas si vieille et pourtant, il restait ce même cancre, incapable d'en tirer des conclusions suffisamment claires pour les transmettre à autrui. C'était pathétique, il ne l'ignorait pas. Il devait sa propre résilience à d'autres, sans qui il ne pourrait aujourd'hui tenir un tel discours avec autant de certitudes. Toute sa force, il l'avait puisée en restant fermement accroché à ceux qui lui étaient chers… Coraline… Foley… Sa tante… Ses muscles se contractèrent plus encore, serrant ses doigts sur cette vérité. Il n'avait pas affronté sa douleur seul. On l'avait porté, ou plus exactement, on l'avait tiré vers la lumière pour qu'il puisse prendre suffisamment de recul pour respirer à nouveau. Ce n'était qu'une fois remonté à la surface qu'il avait compris qu'il pouvait encore avancer et vivre avec cette blessure qui ne se refermerait peut-être jamais.

C'était son tour. Il devait l'aider à prendre de la hauteur. Le problème, c'est qu'il ignorait encore s'il était en capacité de la toucher. Maxine lui paraissait subitement si loin de lui. Sans le vouloir, il porta sa main sur son cœur et inspira longuement avant de reprendre la parole.

« Ça s'atténue avec le temps. On n'oublie pas, mais on peut choisir de l'accepter et continuer. C'est ce qui rend complètement fausse ma première théorie. » Ses pupilles incandescentes d'un éclat azuréen se figèrent sur la silhouette de la jolie blonde, avant de vaciller légèrement dans une lueur de culpabilité en la découvrant si fragile dans ses bras. « Je pensais qu'on ne pouvait pas se substituer à cette douleur. Je pensais qu'on devait l'endurer et qu'il n'y avait aucune autre voie possible. Mais c'est faux. » Il se détacha à peine d'elle et éleva son bras pour poser sa main sur sa joue. « Il y a tellement de façons de vivre ou survivre… Fuir n'en est pas une, elle ne fera que retarder ou même empirer ton chagrin. Tu es seule maître de tes sentiments. » Oui, elle seule. « Je peux t'aider à les porter. » Oui, il le voulait. Ce n'était pas le moment d'y penser aussi égoïstement, mais ce rôle, il le désirait plus que tout au monde. « Laisse-moi être celui-là. »

Il en tremblait encore, comme si le monde pouvait s’écrouler à tout moment sous ses pieds. L’époque où ils n’étaient que des enfants était bien loin à présent. « Oui… Bien sûr ! » C’était même certain. Il ne se voyait aller nulle part ailleurs, de toute manière. n’avait-il pas tout laissé derrière lui pour être ici même ? Tandis qu’il faisait quelques pas en arrière tout en entraînant Maxine contre lui, Alexander ne put s’empêcher de repenser à toute cette folle journée. Pour sûr, il aurait des problèmes, mais il pourrait se justifier. Cette fois-ci, ce n’était pas un jeu, une diversion, une tentative d’attirer l’attention ou de fuir pour je ne sais quel prétexte. Non, l’affaire était bien plus noble. De cela, il en était convaincu, et s’il l’était, ça ne serait pas difficile de l’expliquer aux autres. Non ?

Il se laissa tomber sur le lit, tant sous le poids de leurs corps que des multiples questions qui parasitaient encore son esprit. Il serra un peu plus la petite blonde dans ses bras et embrassa le sommet de son crâne. « Je ne partirai pas… Je te le promets. » Sans s’en rendre compte, il laissa échapper un soupir qu’il s’empressa de contenir en vérifiant du coin de l’œil qu’elle ne lui en tenait pas rigueur. Il avait envie d’être là, il ne fallait surtout pas qu’elle pense le contraire. Juste… Juste… « Tu vas faire quoi maintenant ? Je veux dire… Est-ce que tu t’es fait marquer ? » La question lui brûlait les lèvres. Si c’était le cas, il pourrait sûrement veiller encore plus sur elle. Il suffirait de faire intervenir sa tante. Elle l’écouterait et serait sûrement ravie de voir qu’il s’intéressait enfin à quelqu’un d’autre qu’à lui-même. N’était-ce pas ce qu’elle tentait désespérément de faire en lui présentant des demoiselles de tout horizon ?

Alexander contorsionna son cou pour entrevoir le visage de Maxine. « Désolé, j’essaye… J’essaye de me rassurer aussi… à ma façon. »

L’espace d’un instant, Alexander avait redouté la réponse. Il s’était rendu compte après coup de sa maladresse. Mais puisque les choses étaient dites, il valait mieux attendre maintenant les explications de Maxine. Semblables à un tremblement, elles finirent par arriver. Maxine…

Pris dans le regard de la petite blonde, Alexander sentit sa gorge se serrer davantage. Il était maintenant évident qu’il regrettait sa question. Avec douceur, il glissa sa main contre sa joue et rectifia d’un ton amical : « Je suis désolé… Je ne voulais pas te blesser. Je voulais juste savoir. Tout va bien. » Oui, tout allait bien. Du moins pour le moment.

Il serra de nouveau Maxine contre lui et observa le plafond. Elle ne voulait plus être Dark Minder et il ne comprenait pas vraiment. Enfin, si… Ou peut-être pas totalement. Le blondinet, encore détrempé par la pluie, sentit ses muscles se raidir. Qu’allait-elle faire maintenant ? Quelles options s’offraient à elle ? Il ne pourrait pas l’aider. Cette soudaine prise de conscience le mit mal à l’aise. Jusque-là, il avait l’avantage d’avoir une carte maîtresse dans sa manche. Quoi qu’il puisse advenir, Alexander pouvait se servir de sa tante, mais là, tout était flou et incertain. Il n’avait plus aucune emprise sur le destin de Maxine.

Dans une lente inspiration, Alexander fit craquer sa nuque. « C’est pour ça que tu voulais partir, en fait ? Tu ne sais plus quoi faire si tu n’es pas Dark Minder ? » C’était sûrement ça, il ne voyait rien d’autre. Les yeux rivés sur le plafond, il n’osait plus bouger en attendant la réponse de la petite blonde.
Alexander contorsionna son cou pour entrevoir le visage de Maxine.  

La nuit avait été étrange. Les rêves, teintés d’images troubles, avaient tellement hanté ses pensées qu’Alexander n’était plus tout à fait certain d’être sur le point de s’éveiller. Pourtant, le confort moelleux du lit l’appelait encore à sommeiller. Le blondinet n’avait jamais été un lève-tôt. D’ordinaire, prolonger les matinées ne lui aurait posé aucun problème, d’autant plus qu’il se souvenait de la présence de Maxine à ses côtés. Tout s'alignait pour qu’il prolonge l’instant, voire la journée entière ainsi. Alexander avait des plans, une multitude d’envies et de rêves aussi, des pensées qu’il n’aurait jamais cru pouvoir avoir avant la veille. C’était étrange, ça ne l’avait jamais été autant…

Quelque chose troubla alors soudainement le cocon mental dans lequel il s’était allègrement vautré. Les yeux grands ouverts, en pleine possession de ses moyens, l’instinct du Dark Minder s’était brusquement éveillé. Il était difficile de dire avec précision quel détail avait soudainement provoqué un haut-le-cœur : l’absence du poids de Maxine sur lui, la fraîcheur de la pièce, l’absence des particules de fragrance florale qui avait si bien accompagné ses songes… Tout, absolument tout, s’était imposé avec une violence telle qu’il était impossible de ne pas s’extirper des bras de Morphée.

Le regard fixé sur le plafond, Alexander hésitait pourtant encore à bouger. Son cerveau refusait une évidence qui agitait pourtant ses méninges. La panique faisait battre maintenant son cœur, sans pour autant l’extraire de sa posture. C’était étrange de promener son regard dans ce décor qu’il s’était imaginé quelques fois. Dans un clair-obscur déchirant, il se surprit même à penser qu’elle était peut-être partie préparer le petit-déjeuner. Maxine, Belle aux fourneaux pour son adorable petit ami encore au lit. Cette seule pensée l’obligea à se redresser. Assis sur le lit, le blondinet se moqua de lui-même. Bien sûr que non. Ce n’était pas le genre de la furie blonde. Et ils n’étaient pas ensemble. Il essaya de s’expliquer son absence et, au bout de longues minutes, forcé de constater que la réalité le rattrapait, il se décida enfin à se lever.

Le sol manqua de se dérober sous ses pieds à mesure que le poids de la culpabilité s’abattait sur lui. Il avait dû certainement dire ou faire quelque chose de travers. Sinon, pourquoi serait-elle partie ? D’un bref coup d’œil, il vérifia si le sac de la veille était toujours à sa place. Sans grand espoir, il constata que celui-ci avait disparu, provoquant une douleur si vive dans sa poitrine qu’Alexander dut serrer les poings et la mâchoire pour contenir un débordement imminent de sentiments déchirants. Ce tsunami émotionnel, il ne s’y attendait pas. Il ne l’avait jamais éprouvé auparavant. C’était suffisamment violent pour le décider à quitter les lieux immédiatement. Comme il était venu, Alexander Ward s’apprêtait à partir. Il commençait à enjamber la fenêtre lorsqu’il remarqua un gribouillage sur le bureau. Son amour-propre l’incitait à poursuivre son élan, tandis que sa raison le rappelait à l’ordre. Avait-elle laissé un mot à son intention ? Partagé entre consternation et curiosité, le blondinet peinait à entrevoir les choses avec discernement. Il lui en voulait, et quoi qu’il y ait inscrit sur ce bout de papier, cela ne changerait rien au fait qu’elle n’avait pas pris en compte ses sentiments à lui. Il la trouvait égoïste, lâche peut-être, mais par-dessus tout, il s’en voulait de s’être si bêtement laissé entraîner par l’espoir de sentiments partagés. Il aurait pu courir une nouvelle fois derrière elle, la retrouver, la confronter, mais pour quelle finalité au juste ? Il était un Dark Minder et elle, elle était libre d’embrasser n’importe quel destin maintenant.

Les yeux bleus du blondinet occultèrent la vision du bout de papier griffonné sur le bureau. Elle avait fait un choix et il était bien placé pour savoir que les choix appartiennent à chacun et qu’il était vain de lutter contre le destin. Le cœur meurtri, Alexander quitta la chambre dans laquelle il s’était surpris à rêver à une autre vie. Il ne se retourna pas une seule fois, tétanisé par une volonté d’avancer coûte que coûte, sans regret. Ses pas s’enchaînèrent encore et encore jusqu’à ce que le chemin s’arrête brusquement sous ses pieds. Les baskets dans l’eau, il était arrivé au bord d’une plage. Face à l’immensité du vide, à la vague de sentiments contradictoires, il se laissa tomber à genoux dans l’écume brumeuse et laissa toute sa rage sortir dans un cri salvateur.

À bout de souffle, il se laissa choir dans le sable et repensa aux dernières 24 heures. Il ne remonta pas plus loin et se concentra sur les détails formels. Il allait devoir maintenant trouver des explications sur son absence, sur son empressement à rejoindre Maxine… Il fallait maintenant se relever et continuer, et surtout… ne plus jamais se laisser distraire de sa destinée. Plus jamais. Les Ward avant tout. C’était tout ce qui importait. C’était tout sur quoi il pouvait compter.