Les feux de l'Equinoxe - partie 1

Fairwood était en fête. Ses devantures scintillaient d’une lumière dorée tandis que le soleil déclinait lentement à l’horizon. Ses rues pavées, ornées de guirlandes lumineuses et de lanternes flottantes en forme de créatures magiques, s’étaient assurément remplie d’une foule de sorciers et sorcières venus de tous horizons.

L’ambiance festive se mêlait joyeusement aux éclats de rires cristallins des enfants courant autour des attractions. Tous savaient que cette soirée était plus qu’une simple célébration de l’équinoxe. Elle marquait aussi la fin d’une époque sombre de l’histoire du monde magique, où les sorciers vivaient dans la crainte des persécutions. C’était un moment de recueil, mais aussi de fierté et de résilience.

Au centre de la grande place, une estrade décorée de fleurs s’élevait au dessus de la foule. Le maire de Fairwood, un homme au visage chaleureux et à la barbe argentée, se tenait là, prêt à s’adresser à la foule. Il s’inclina face aux sages du Consortium et s’approcha du micro. Le silence tomba doucement lorsque les lanternes s’illuminèrent d’un éclat chatoyant, projetant des ombres dansantes sur les murs de pierre du coeur du centre ville.

D’un geste lent, le maire leva sa main, saluant les invités venus du monde entier et d’un ton solennel commença son discours.

« Chers amis, sorcières et sorciers, venus des quatre coins du monde magique, ce soir, nous sommes réunis sous les cieux étoilés de Fairwood pour célébrer deux événements profondément ancrés dans nos cœurs : l’équinoxe d’automne, où le jour et la nuit s’unissent en parfaite harmonie, et la fin des grandes persécutions, où la lumière de notre magie a triomphé des ombres de l’intolérance. »

Des murmures parcoururent l’assemblée, et quelques têtes s’inclinèrent en signe de respect à la mention de cette sombre époque.

« Fairwood a toujours été un lieu de refuge et de fête, un village où la magie prospère dans le respect et la liberté. Ce soir, alors que nous allumons les lanternes et que les feux d’artifice éclairent le ciel, nous rendons hommage à ceux qui se sont battus pour que nous puissions vivre librement notre art, sans crainte ni oppression. Nous ne devons jamais oublier les sacrifices faits, ni les batailles menées pour préserver nos droits et notre magie. »

L’air semblait vibrer de cette reconnaissance, comme si les esprits des sorciers tombés au combat étaient là, parmi eux, écoutant ces paroles de gratitude.

« Mais ce soir, il ne s’agit pas seulement de regarder en arrière. Il s’agit aussi de célébrer notre avenir. Que cette fête soit le symbole d’un monde magique uni, un monde où chaque sorcier, quelle que soit son origine ou son pouvoir, trouve sa place et brille de tout son éclat. »

La lumière des lanternes sembla soudain briller plus intensément, comme pour répondre aux paroles du maire.

« Je vous invite donc à profiter de cette nuit enchantée, à vous perdre dans les merveilles de notre fête foraine, à partager des rires, des danses et des souvenirs avec vos frères et sœurs de magie. Que nos délicieuses tartes aux pommes, les duels amicaux et les jeux forains nous rappellent que la magie est une force de joie, de création et de vie. »*

Des applaudissements se firent entendre, des éclats de rire retentirent tandis qu’au dessus des têtes s’illuminait une pluie d’étoiles scintillantes.

« Alors, que l'équinoxe nous guide vers un nouveau chapitre de prospérité et de paix, et que nos cœurs soient aussi légers que les étoiles au-dessus de nos têtes. »

Il marqua une pause, regardant la foule, avant de conclure avec un sourire rayonnant :
« Bienvenue à tous à la Grande Fête de l’Équinoxe de Fairwood ! »

Un tonnerre d’applaudissements éclata enfin marquant ainsi le début de cette longue soirée de festivités.

Les sorciers se dispersèrent dans la foule, impatients de découvrir les attractions magiques qui les attendaient. Une nuit de magie et de liberté s’ouvrait à eux, et chacun savait que, cette fois encore, l’équinoxe serait un moment inoubliable.

La fête d'équinoxe d'automne battait son plein à Fairwood. Sous les lumières enchantées des manèges et le bourdonnement joyeux des festivités, une silhouette sombre se distinguait de la foule. Erio Areni, tout de noir vêtu, avançait lentement, ses pas silencieux tranchant avec l'agitation environnante. Son regard perçant balayait les visages, lisant leurs émotions fugaces comme on parcourt les pages d'un livre ouvert. Le rire des enfants et les éclats de voix des adultes ne semblaient pas l'atteindre, comme s'il évoluait dans un autre temps, un autre lieu.

Le sorcier ne venait pas pour se mêler aux réjouissances. Pour Erio, ces célébrations n’étaient qu’un voile destiné à masquer des réalités plus sombres. Les festivités, malgré leur éclat, étaient empreintes d’une histoire de persécution, de lutte. Une lutte qui n'était pas terminée pour ceux comme lui, dont les allégeances étaient plus troubles. Bones and Dust n'était jamais loin de ses pensées.

Sous son masque d’élégance et d’arrogance, Oscuro guettait. Ce soir, il n’était pas là par hasard. Des murmures dans l'ombre évoquaient un artefact ancien, un vestige des grandes purges magiques. Erio ignorait encore si cette relique était réelle, mais il savait où chercher. Ses yeux captaient chaque mouvement suspect, chaque ombre fuyante. Ici, au milieu des rires et des étincelles de magie inoffensive, se jouait un autre jeu, et lui seul en connaissait les règles.

Si vous entendez parler d’une soirée importante, vous pouvez être sûrs de m’y trouver.
Et maintenant que je fais partie de deux mondes, j’ai deux fois plus d’opportunités de sortir me divertir.

Vêtue d’une robe créée sur mesure pour l’occasion, je me suis rendue sur la Grand Place de Fairwood pour être visible aux premières lignes lors du discours barbant signifiant l’ouverture de la célébration de l’équinoxe. Non vous ne rêvez pas, dans le monde magique, un rien peu nous faire picoler.

Suivants les expressions de la foule, je conclus le discours par un sourire ravageur et un applaudissement faussement enjoué. Je compte sur les photographies pour me faire connaitre un peu plus aux yeux de la foule magique.

Une fois mon apparition presque publique terminée, mon panier garnis et moi-même nous rendons vers le concours de tarte aux pommes. Mais c’était sans compter sur une agitation déroutante dans un groupe de sorcier.
Je m’arrête à leur hauteur, intriguée par les éclats de voix quand une tête blonde bien familière finit par s’approcher d’eux.

- Encore lui.

Décidément, Alexander Ward est synonyme de trouble. Seulement ici une menace vive suffi pour calmer l’exaltation de la jeunesse.

Pas mal, pas mal du tout.

J’observe la silhouette masculine s’en aller avec une certaine satisfaction. Lui aussi est seul.
Je jette un œil à mon panier garni, le concours n’a pas encore commencé, je suis certaine que j’ai le temps d’aller saluer ce vieil, ami ?

Je me tourne vers le comptoir le plus proche, l’alcool semble y couler à profusion, parfait.

- Une coupe de Chardonnay et… Une bière s’il vous plaît.

Paiement effectué, je sais qu’il ne me reste plus qu’à emprunter le chemin du port pour le retrouver.

- J’en étais sûre.

Mes talons claquent sur le sol encore bétonné alors que je m’approche du Ward solitaire.

- Là ou il y a de la bagarre, un Ward surgit avant de repentir près des vagues.

Je tends la bière fraiche à mon interlocuteur, persuadée de ne pas le déranger.

- Je ne fais que passer te souhaiter la bonne soirée avant que tu ne disparaisses de toute cette agitation.

Dans tous les cas j’ai à faire. Je dois tenir mon engagement.

Marhan était au pieds de l'estrade qui avait accueillis le maire. Il applaudissait respectueusement ce qui avait été dit tandis que le grand Djinn à côté de lui parlait avec un des adjoints.
Le discours du maire avait énormément plut au jeune homme. Il l'avait trouvé direct et subtile dans sa manière de faire passer ses idées. Ainsi, sans jamais se montrer ouvertement hostiles aux non-magiques, l'administrateur des lieux ne les avait pour autant pas inclus. Il était pourtant de  notoriété publique que Fairwood était gangréné par une communauté de descendants incapable de la moindre étincelle de pouvoir. Or, le maire ne leur avait pas parlé. Il ne s'était adressé qu'aux siens en rappelant la fin de leurs oppression puis en enchainant  sur  la question de l'avenir de la magie.  Il aurait pu avoir un mot ou deux pour la "réconciliation" ou "la tolérance", comme certains de ses prédécesseurs, mais non.  Marhan respectait cette prise de position et il sentit monter en lui une bouffée de sympathie pour le maire.

On ne pouvait pas faire confiance aux non-magiques. Ils étaient jaloux et peureux par nature. Ils finiraient tôt ou tard par se retourner à nouveau contre leur communauté. Ce n'était qu'une question de temps et Marhan était heureux de voir que l'inquiétude était partagée par les instances politique du plus grand regroupement d'individus magiques au monde.

Sentant une envie de fumer le gagner, il fit un signe au grand Djinn qu'il s'écartait et chercha à s'éloigner de la foule. Il finit par trouver une zone où la population était un peu plus éparse et il décida de s'y griller une cigarette. Rapidement, il retourna dans ses pensées, le regard perdu dans la foule qui passait.  Sans s'en rendre compte il fit deux pas en arrière et se cogna contre quelqu'un. Il se retourna :

"Excusez moi. J'avais la tête ailleurs."

Si ça n'avait pas été pour le travail, Maxine ne serait pas venue. La fête de l'équinoxe lui rappelait trop de souvenirs avec Alva. Elles venaient tous les ans et c'était la première fois qu'elle revenait ici, seule, depuis des années.

Cependant, tout rassemblement de cette envergure devait avoir un service d'ordre et c'était évidemment aux forces de l'ordre de s'en charger. Ils avaient même recruté les étudiants comme elle pour augmenter les effectifs et Maxine était d'ailleurs entourée de ses camarades à écouter les instructions du chef de mission. Il leur expliquait qu'il serait par groupe de trois et devraient se promener un peu partout. Pour passer d'une zone à l'autre, ils devraient prévenir par talkie et attendre l'autorisation nécessaire. Un rappel fut fait sur l'attitude à tenir en cas de problème de santé chez un visiteur. Visiblement, le pire qu'ils auraient à craindre serait les ivrognes en fin de soirée mais même là, l'ordre était de les ramener au poste.

Maxine étouffa un long soupir tandis que la présentation s'éternisait sur la manière d'appréhender les fameuses ivrognes et elle remit négligemment sa casquette en place.
La jeune femme était revenue depuis peu à Fairwood. Hormis pour assister à ses cours, elle n'était que peu sortie (au grand damn de sa mère qui la qualifiait d'asociale) et redoutait de croiser une quelconque ancienne connaissance qui viendrait lui parler et surement faire remonter ce qu'elle s'était tant évertuer à enfouir tout au fond d'elle même. Heureusement, personne ne faisait jamais attention aux services d'ordre et elle était sûre que son uniforme agrémenté d'une énorme "SECURITE" dans le dos la rendrait invisible pour quiconque n'aurait rien à se reprocher.

Son trio fut composée d'elle-même et de deux garçons dont elle ne connaissait pas les prénoms. Il lui semblait que l'un s'appelait Bryan ou Rayan et le second quelque chose comme Truquéo. Dans tous les cas ils étaient trop occupés à discuter entre eux, commentant évidemment le physique des femmes qu'ils croisaient, et Maxine n'avait aucune envie de leur dire quoi que ce soit. Elle aurait pu faire des remarques cinglantes comme leur dire qu'ils avaient du culot de commenter l'attrait des demoiselles quand  ils avaient tous les deux le sex appeal des frères Bogdanoff après chirurgie mais ça faisait bien longtemps qu'elle n'avait plus la foi de protester à propos de quoi que ce soit. Elle se contenta donc de faire ses rondes sans rien dire si ce n'est signaler leur changements de zone dans le talkie.

Lundi 16 septembre 2024 :

Vicieuse et ardente est cette attente. 
Cette douloureuse et sinueuse morsure de solitude que je nous impose. 
Des jeux de regard plus ou moins long, des demi sourire qui ne sont que pour nous. Dans l’enceinte de l’académie, je ne peux être moi et croiser mes doigts avec les siens, alors chaque occasion est la bonne pour se retrouver. Pour pouvoir glisser mes doigts entre les siens et pour nous dissimuler dans la foule pour gouter une nouvelle fois ses lèvres.

Alors dès que j’ai su pour la célébration de l’équinoxe d’automne à Fairwood, j’ai prévenu mes parents que je serais le représentant de la famille sur place, cette idée fit grincer des dents dans les hautes strates de mes prédécesseurs, mais que peuvent-ils faire ? Refuser qu’un représentant de la famille royal d’Angleterre et qui plus est étudiant à l’Académie du Consortium, ne se présente pas à une célébration officielle ?
Cela serait déshonorer le Consortium. Et il en est hors de question. 
C’est avec un sourire de vainqueur que je quitte le salon principal de Kensington Palace pour mes appartements privés et fièrement, je sélectionne avec soin la tenue que je porterais pour la soirée.

Dimanche 22 septembre 2024 ~ Équinoxe d’Automne :

Debout face à l’estrade, dépassant d’une demi tête tous ceux présents, j’écoute attentivement le Maire de Fairwood, son discours poignant, hypnotisé par l’intensité de ces mots qui véhiculent un message puissant de solidarité et de valeur qui réchauffe les cœurs.
Il écarte les bras ouvre les festivités de Mabon.
Lentement la foule se disperse et glisse vers les stands bordant la grande place de la ville, mes iris d’un bleu polaire se posent sur ce beau monde bigarré dans ta poche tinte deux chevalières en or pure non gravée que ma famille possède. J'en ait besoin pour rendre hommage à la mémoire des disparues, qui porte mon nom de famille, que les nombreuses rafles anti-sorcière ont emporté dans les bras de la Morrigan.
Je finis par sortir mon portable et tape rapidement un sms au seul sorcier dont la compagnie pourrait rendre cet évènement plus doux.

~Coucou mon Loup, je vais au mémorial, je voudrais rendre hommage à mes ancêtres, si jamais tu me cherches je serais là-bas.~

Un lourd fardeau sur le cœur, je me glisse entre les groupes de sorciers et sorcières pour rejoindre le mémorial.

Comme souvent, Hailey faillit arriver en retard, et louper le début du discours du maire. Heureusement, elle avait plutôt une bonne condition physique et venir en courant depuis le domaine du Consortium ne lui prit pas trop de temps. Elle pénétra sur la Grande Place pile au moment où les premiers mots de bienvenu étaient prononcés. Le lieu avait été rendu féérique pour l’occasion. La jeune femme ne pouvait s’empêcher de sourire en regardant les lanternes aux formes animalières, les guirlandes et toutes ces petites touches qui rendaient le moment festif. Ce fut d’ailleurs à peine si elle écouta le discours, tellement elle était à s'émerveiller de l’atmosphère. C'était toujours pareil avec elle, de toute façon. Si elle ne se concentrait pas expressément sur ce qu'elle avait à faire, elle se distrayait facilement.

Cette soirée aurait pu s’annoncer meilleure si toute la famille Ross avait pu être réunie. Malheureusement, son frère se fatiguait vite depuis quelques jours. Sa mère et lui étaient donc retournés à la maison en fin d’après-midi. Au moins, elle avait quand même pu passer quelques heures avec eux. Quant à son père, il était de service à la prison magique. Il ne restait plus que son grand-père, qui avait promis de la rejoindre un peu plus tard dans la soirée. En attendant, elle pouvait vadrouiller deci-delà, là où ses pas la meneraient. Il y avait tellement de choses qu’elle voulait essayer ou faire qu’elle ne savait pas par quoi commencer. Elle finit par se diriger vers la fête foraine. Et qui disait fête foraine disait évidemment, barbe à papa. C’était immanquable et inimaginable de faire sans !

Alors qu’elle était en train de se régaler d’une E-NOR-ME barbe à papa - c’est simple, c’était à peine si on la distinguait derrière la boule cotonneuse - elle sentit une tension légère sur son sac. Elle se retourna brusquement, tellement rapidement qu’elle surprit le jeune homme qui avait essayé plus ou moins habilement de glisser sa main dans son sac. La première réaction de la métamorphe fut lui foutre un coup de poing dans la figure. Elle se fit mal aux articulations et grimaça mais visiblement, ce ne fut pas la seule à avoir mal vu comment l’homme se tenait le nez. En apercevant une patrouille composé d’une femme et de deux hommes, elle les appela.

SECURITE ! SECURITE ! Il a essayé de me voler !!

Truqueo et Ryan ne cessaient de parler jeux vidéos à côté d'elle. Maxine avait lâché leur conversation au moment même où elle avait compris de quoi il retournait. Elle marchait à côté d'eux avec un air vide tout en balayant la zone du regard.

Rapidement, le trio fut appelé par une jeune femme qui semblait avoir repéré un voleur. Désireux de sauver la demoiselle, Bryan et Truqueo foncèrent sur le voleur et le mirent à terre sans aucune subtilité. Maxine quand à elle les suivait d'un pas pressé.
Au sol le voleur se mit à geindre, il avait le nez en sang et ce n'était visiblement pas le fait de ses deux Bogdanoff de compagnie.

Maxine grimaça : "Vous lui avez cassé le nez ?" demanda-t-elle. Ce à quoi Truqueo, occupé à faire un clé de bras au voleur répondit "C'était de la légitime défense Max ! Il essayait de la voler !". Maxine n'était pas sûre que cela empêcherait le voleur de porter plainte mais Tryan (occupé à maintenir l'homme au sol en l'écrasant de tout son poids) encherissait déjà : "Ouais !".
La jeune femme soupira "Bon. Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?"
L'homme à terre, le nez en sang et les larmes au yeux prit la parole d'un ton geignard "Je l'ai juste frôlé et elle m'a agressé !"

Adossé contre le mur d’un des bâtiments entourant la Grande Place, Maverick avait écouté le discours du maire sans broncher. Il y avait à peine un an de cela, il n’aurait rien trouvé à y redire. Mais depuis, bien des choses s’étaient passées et des œillères qu’il avait eu, inconsciemment, toute sa vie, étaient tombées. D’une certaine façon, il avait perdu l’insouciance de son train de vie pour se rendre compte que tout n’était pas aussi fleur bleu qu’on laissait entendre au commun des sorciers. Lieu de refuge, mon cul ! Quelque chose lui disait que le refuge barricaderait rapidement ses portes si des Loups s’y présentaient pour profiter eux aussi, de cet havre de paix dans « un monde magique uni ». Cela le rendait triste de se rendre compte que malgré toutes les belles paroles et les persécutions qu’il y avait eu par le passé, le monde des Sorciers n’était pas bien différents de celui des humains. De la ségrégation, des a priori et de la discrimination. Ce qui menait invariablement à de la colère qui bouillonnait en lui.

L’Erudit secoua la tête et s’éloigna des lieux dès que les festivités furent lancées. Il savait qu’une partie des émotions qu’il ressentait n’émanait pas de lui mais de cet être avec lequel il partageait à présent son corps. Il avait encore du mal à faire la part des choses et à savoir ce qui venait de lui et ce qui lui était transmis. On lui avait dit, lors de son réveil après que l’Espri-Loup l’ait choisi, que ce dernier lui montrerait comment était vraiment le Consortium. Il n’y avait évidemment pas cru, sur l’instant. Tout ce qu’il avait voulu, à ce moment là, c’était que le cauchemars qu’il était en train de vivre s’arrête. A présent, de l’eau avait coulé sous les ponts, des lunes étaient passées dans la nuit et il avait eu l’occasion au quotidien, d’apprendre de cet autre. Et ce n’était pas peu dire que ce qu’il avait découvert était loin d’être joyeux, même si cela remontait à des souvenirs immémoriaux.

Même si la pleine Lune était passée depuis quelques jours et que la tension que celle-ci faisait naître chez lui était à présent retombée, il ressentait le besoin, à cet instant, de se défouler. Il se dirigea donc vers la fête foraine et ses jeux triviaux. Cela lui rappelait un peu les foires qu’il y avait dans sa campagne natale, pendant son enfance. Il manquait juste le rodéo, les jeux de lasso et les danses country. Il se rabattit donc sur un stand de tir à la carabine où il savait pouvoir s’en sortir avec habileté.

Non mais c’était le monde à l’envers ! Il en avait du culot, le type ! S’être fait chopper ne lui suffisait pas, il jouait maintenant les cruches effarouchées en essayant de faire croire que c’était lui la victime et elle l’agresseuse. Même pas capable d’assumer jusqu’au bout ses actes ! En même temps, il avait probablement honte de s’être fait avoir comme un bleu par une jeune femme, d’autant plus qu’elle lui avait mis un bourre-pif. Et le plaquage au sol que lui avait infligé les deux bulldozer de la sécurité ne devait pas avoir arrangé son amour-propre et son ego. S’il voulait faire le pickpocket pendant de telles festivités, fallait qu’il se montre plus prudent ou dégourdi sinon, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même de se faire attraper. A l’entendre mentir comme ça effrontément, Hailey ressentait une irrépréhensible envie de lui tutoyer les côtes avec le bout de ses chaussures mais ça n’aurait pas été raisonnable, d’autant plus qu’il était déjà bien tenu au sol.

J’voulais pas lui pêter le nez … C’est partit tout seul, comme un réflexe.

D’ailleurs, vu comment sa main commençait à la lancer sévèrement, elle se demandait si elle ne s’était pas cassé quelque chose, elle aussi. Il faudrait qu’elle aille voir ça à l’hopital quand toute cette histoire serait terminée.

« Juste frôlé »??!! Depuis quand on met la main dans le sac d’une personne quand on la frôle juste ?? Puis si j’avais agressé toutes les personnes qui m’avaient frôlée ou bousculée depuis le début de la soirée, j’crois que ces messieurs-dame les policiers en auraient entendu parlé !

Sous le coup des émotions qui tourbillonnaient en elle – colère, douleur, peur – des cornes étaient gentiment en train de faire leur apparition au sommet de son crâne. Quand elle s’en rendit compte, en passant sa main dans ses cheveux, elle ne put s’empêcher de rougir, gênée. Elle ferma un instant les yeux pour prendre une profonde inspiration et tenter de se calmer. Elle n’aimait pas perdre ainsi le contrôle, même si cela lui arrivait moins souvent qu’avant. Elle rouvrit les yeux et se tourna vers la jeune femme à ses côtés.

Alors que j’étais en train de manger ma barbe à papa, j’ai senti une pression sur mon sac. Je me suis retournée et il était avec sa main à moitié dedans, sûrement pour voler mon porte-monnaie. J’ai pas réfléchi et j’ai donné un coup de poing.

Une fête… Bien sûr que Blake y serait. Le lycan n’en avait jamais raté une. C’était probablement ce qu’il appréciait le plus chez les sorciers : leur penchant pour l’excès était sans égal. Perdu dans la foule, bien entouré, Blake savourait l’instant avec délice. Il riait volontiers aux provocations et ne se privait pas d’y répondre, poussant du coude son nouvel ami. Depuis peu, Halloran Gray et son cercle d’acolytes étaient devenus un exutoire des plus plaisants. Alors qu’il se bidonnait aux anecdotes croustillantes de la bande, il aperçut, au-delà de quelques épaules, une silhouette bien connue. Assise sur un trottoir, les jambes étendues, Coraline Ward pianotait sur son téléphone.

Il fallut quelques minutes pour qu’elle daigne lever les yeux de son écran. Blake, qui tentait de capter son attention, leva un bras pour l’interpeller, mais elle ne bougea pas d’un millimètre. Pire, elle l’ignora royalement en détournant son regard vers un groupe de musiciens. Elle venait de le "ghoster" ? Lui ? « Sale… petite teigne… » grommela Blake, piqué dans son orgueil. En quelques pas, il l’avait rejointe, oubliant ses amis.

« Je te pensais plus… polie. » « Dans ce cas, ignore-moi et poursuis ta soirée avec tes amis comme si de rien n’était… » Son ton austère et sa posture défensive firent lever les yeux au ciel du lycan. Jamais un sourire ; cette fille ne savait donc faire que la tête ?

« T’es toujours comme ça ? T’es épuisante. Je te l’ai dit, les mecs n’aiment pas les filles qui se prennent la tête. » Coraline sembla s’offenser de cette pique, avant de s’appuyer en arrière sur l’asphalte. Elle le fixait à présent du regard, prête à lui décocher une réplique cinglante. Blake était prêt à l’entendre ; venant d’elle, rien ne pouvait vraiment l’atteindre. « Bah, ça tombe bien. Ne m’aime pas et vis ta vie », rétorqua-t-elle dans un demi-soupir. À bien la regarder, elle n’avait pourtant pas l’air de vouloir qu’on la laisse seule. Ses yeux, légèrement rougis, trahissaient qu’elle avait pleuré récemment. Ce simple constat décida Blake à insister.

Nonchalamment, il se laissa tomber à ses côtés et lui renvoya son regard noir avec un sourire en coin. « Ouais, effectivement, si ça ne tenait qu’à moi… mais bizarrement, j’en ai pas envie. » « T’aimes bien prendre des coups, toi. » Ses yeux assassins et son ton sec n’invitaient pas vraiment à la discussion, mais le fait qu’elle souriait légèrement en remettant une mèche derrière son oreille parlait de ses nombreuses contradictions. Blake connaissait bien ce langage non verbal. L’intérêt, voilà ce qu’il lisait dans ses yeux, assez pour délier la langue du lycan. « Dans ce cas, on est deux. »

Piquée au vif, elle se redressa sur la défensive.

« Alors… pas du tout. » Menteuse. C’était amusant de la taquiner. « Mademoiselle Coraline Ward cherche à s’attirer les faveurs d’un grand amour à sens unique, envers et contre tout bon sens. Chez moi, c’est ce qu’on appelle être maso. » Cela l’énerva visiblement. Elle se tourna vers lui avec audace et le repoussa sèchement. Face à l’hilarité de Blake, elle ravisa bien vite sa posture et soupira en fixant l’écran noir de son téléphone.

« T’as peut-être raison… »

Surpris, Blake se figea à son tour. Il observa la foule autour d’eux avant de se pencher pour la pousser légèrement de l’épaule. « J’imagine que la journée d’une héritière fondatrice n’a pas été de tout repos ? » « Je suis épuisée, » clarifia-t-elle avant d’ajouter dans un aveu : « Être une héritière, ça craint. » Blake éclata de rire. « Si tu le dis. T’as pas ton frère pour t’aider ? »

La brune secoua la tête dans un profond soupir.

« Non… ce n’est pas son rôle. » « Ah oui… » ricana Blake. « Le babysitting, c’est pour Prince Charmant ! Ça doit être frustrant de l’avoir sous la main tous les jours sans pouvoir t’en servir. »

Leurs regards se croisèrent au milieu des festivités. Difficile de savoir ce qu’elle avait en tête, mais lorsque ses sourcils se froncèrent, Blake sut qu’il avait touché un point sensible.

« T’as fumé quoi, Blake ? C’est la pleine lune, c’est ça ? Tes hormones te titillent ? T’as envie de mourir ? » Au bord de l’éclat de rire, Blake dut se contenir pour lui répondre avec aplomb. « On a fait ses devoirs à ce que je vois, ou c’est ton frère qui t’a soufflé les infos ? » « Ni l’un ni l’autre. Je ne m’intéresse pas à toi… j’ai des visions… » avoua-t-elle, renfrognée.

Blake haussa un sourcil. Des visions ? Voilà qui devenait intéressant. « De moi ? » Oh, la perche était trop bien tendue pour ne pas qu'elle ait besoin de sous-titres. Son sourire sardonique n’eut pas à attendre longtemps pour qu’elle réagisse dans un désagréable : « Je vais vomir. Arrête tes insinuations. Et garde ça pour toi. » « Nous partageons donc des secrets… Je trouve cela très, très, très… exci... »

Elle le frappa d’un revers de la main, presque assez fort pour le faire tomber en arrière. en équilibre, mort de rire, le lycan passa la main dans ses cheveux et reprit la discussion comme si de rien était. « Tu devrais lui dire, sinon une fille va te le piquer. D’après ce que je sais... » Elle l'écoutait maintenant. C’était encore plutôt amusant de la taquiner. « ...Il y a des filles qui s’intéressent à lui. Il est plutôt beau gosse. » Elle soupira longuement. « Oui... je sais. » Perdue dans ses pensées, Blake regretta presque ses paroles. Elle avait pleuré il y a peu, et ce n’était peut-être pas le moment pour ce genre de discussion.

« Tu l’as vu avec une fille ? » finit-elle par demander. « Non... mais j’entends très bien les bruits de couloirs. Ça jase pas mal pendant les cours... » Elle avait sûrement entendu les mêmes ragots. Les filles ne sont pas très discrètes quand elles parlent de leurs coups de cœur. Blake soupira à son tour. « Tu connais une Nausica ? »

Cette question le fit tiquer. Ce nom, il l’avait entendu. Ou plutôt, il l’avait réveillé. Parmi toutes les histoires qui circulaient sur ce campus, celle entourant ce prénom était l’une des plus inquiétantes. « La sirène ? » « C’est une sirène ? » demanda-t-elle avec un regard implorant. « Oui... enfin, j’ai entendu des rumeurs. J’y ai prêté attention, parce qu’apparemment, elles peuvent entrer dans ta tête et te transformer en pantin, et ça, tu vois... c’est vraiment pas mon délire. Même si, je dois avouer, elle est sacrément bien roulée. Je veux dire, difficile de ne pas avoir envie de jouer au docteur avec un corps pareil. » « Ouais... Mon frère avait l’air de penser la même chose la dernière fois qu’il l’a vue. Sa langue pendait comme la tienne. D’ailleurs, tu as de la bave qui coule. »

Blake pouffa brièvement. Non, elle, ce n’était pas son délire. L’emprise qu’il subissait déjà avec l'autre race lui suffisait largement. Même s’il s'était demandé si le loup se laisserait dominer, il n’avait pas la moindre envie de risquer une confrontation entre la femme-poisson et le sac à puces qu’il portait en lui. « Je vois... » « Tu vois ? » Blake sentit qu’elle commençait à perdre pied. Elle s’enfonçait dans ses pensées, laissant peu de place au bon sens qui s'imposait. pourtant, tout homme normalement constitué fuirait de telles entraves, il y avait peu de risque que le Prince charmant de Coraline se laisse embarquer dans ses filets...

« Mais c’est un Dark Minder, il peut sûrement contrer sa magie, tu sais. » « Je ne sais pas... Ce n’est pas si simple... » confessa-t-elle, désabusée. « Mais... » Elle se redressa brusquement avant qu'il ne puisse continuer sa phrase. « Je sais ! » « Tu sais ? » répéta t-il bêtement. « Oui ! » Débordante d’espoir ou de bravoure, elle semblait maintenant sûre d’elle. « Franchement, je ne sais pas ce que tu as en tête, mais si ce mec est sous emprise, tu... » «Non. Je ne le laisserai pas tomber. Je vais le protéger. »

Elle est sérieuse ? Légèrement perplexe, Blake ne pu s'empêcher de marmonner « Ok... tu as l’air sûre de toi, mais... » Elle l’interrompit de nouveau en se levant. Face à sa vertigineuse hauteur, Blake se sentit déglutir. Il n'y avait pas à dire, la vision de Coraline Ward, dans sa petite robe bleue, pouvait figer l’esprit de n’importe quel vagabond. Bon dieu... Quand elle ne faisait pas la tête et se lançait à corps perdu dans la bataille, il fallait admettre qu’elle était... mignonne. Blake se donna une claque mentale à l'évocation de cette pensée. On parlait d’une fille éprise d’un autre et qui courait droit vers le danger. Ce n'était pas le moment de perdre pied.

« Fais attention... les sirènes sont redoutables. » «  Et moi, je le suis encore plus. »

Cette assurance le fit sourire bêtement. Elle fit volte-face et s’élança sans lui laisser le temps de répondre. Cela devenait une habitude des plus désagréable. Bien, maintenant il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle ne s’attire pas davantage de problèmes. Mais ça... Blake le savait, c'était un peu trop demander au karma. Peut-être valait-il mieux rester dans le coin... au cas où.

Il avait fallu que Blake vienne endeuiller un peu plus ce jour de commémoration en lui imposant sa présence. Comme si celle de sa mère n’avait pas suffi à lui gâcher les festivités. Elle s’était pourtant levée tôt aujourd’hui, avec la ferme intention de passer la meilleure soirée possible. Et pour cela, elle s’était assurée que Ciaran soit son garde du corps, n’hésitant pas à user de subterfuges peu louables pour imposer ce choix à sa tante. Mais les choses ne s’étaient pas déroulées aussi bien qu’elle l’avait espéré. Toute la journée, elle avait dû suivre sa mère et entendre sa sempiternelle rengaine contre les Ward. À bout de patience, elle avait fini par s’opposer à elle et avait fui en direction de l’appartement de son frère, le seul endroit au monde où elle était certaine de pouvoir rencontrer Ciaran. C’est donc aux pieds de l’immeuble qu’elle s’était réfugiée, attendant sagement de tomber sur lui… Mais c’était Blake qui était apparu.

Leur discussion avait pris une tournure plutôt inattendue. Et maintenant… Maintenant, Coraline se demandait si Ciaran avait envie d’être le pantin de cette sirène.

«  Non…  » Ce cri du cœur, ferme et spontané, l’avait secouée dans un sursaut de lucidité. Il était hors de question que cela se produise. Peu importait à quel point cette sirène était divine, elle ne le laisserait jamais à une autre sans se battre. L’heure était venue de s’affirmer. Elle n’était plus une petite fille. Décidée à le prouver à Ciaran, mais aussi à le protéger de toutes convoitises, elle avait virevolté dans sa jolie robe, fermement résolue à conquérir le cœur du seul homme qui hantait ses rêves et ses envies.

D’un geste leste, elle avait poussé la porte de l’immeuble sans accorder le moindre regard au lycan. Maintenant, elle gravissait rapidement les escaliers et entrait le code de la porte d’entrée avec une seule idée en tête : briser ce prétendu sort qui pouvait entraver l’esprit de Ciaran. Elle avait remarqué son comportement étrange avec la sirène, et il était maintenant clair pour elle qu'il se passait quelque chose entre eux. Il était sur la défensive, et c’était suffisamment éloquent pour qu'elle se sente obligée de s'armer contre d’éventuelles représailles. Cette fille semblait insister, et lui fuyait. Un bip salvateur résonna dans le hall, et elle referma la porte derrière elle en s'appuyant contre le mur.

Comment avait-elle pu ne pas voir ? Pire encore… comment pouvait-il lutter contre une prédatrice aussi redoutable et ne pas finir dévoré entre ses griffes ? Pour Coraline, il n’y avait qu’une seule réponse : la seule chose qui pouvait contenir ce pouvoir était l’héritage de Sigmund, leur ancêtre, et il était à portée de main.

Sûre d’elle, la petite brune s’élança alors dans la chambre de son frère et se glissa sous son lit pour fouiller les lattes. Son abominable frangin lui avait confisqué cet héritage quelques années auparavant, sous prétexte qu’elle n’était pas prête. Il n’avait pas jugé bon de prévenir leur tante, et il avait mis en lieu sûr tout le contenu, en omettant bien sûr d'en dévoiler l’emplacement. Mais Alexander manquait cruellement d’originalité. Depuis leur enfance, le blondinet à la mémoire de poisson rouge tournait en rond. Elle se doutait bien qu'il l'avait amené ici. C’était un peu son aquarium, sa tanière aquatique, le seul endroit au monde où il pouvait cacher son précieux larcin.

Malheureusement pour elle, il n’y avait rien sous le lit. « Merde.  » Allongée sur le sol, elle réfléchit un instant et entendit un bruit venant de la salle de bain. Ciaran était là. Bien sûr qu'il était là… son frère était sorti quelques minutes plus tôt sans lui. Elle avait simplement oublié ce détail. Elle resta figée dans l’obscurité un moment, écoutant l’eau couler. Il ne lui restait que peu de temps avant qu’il ne sorte de la salle de bain. Autant en profiter pour vérifier le seul endroit où son frère aurait pu planquer l’héritage.

À bien y réfléchir, cela devenait évident. Son esprit se troubla un instant, traversé par des images fugaces et brumeuses de Ciaran sous la douche, avant qu’elle ne se relève d’un bond et ne s’élance dans la chambre du Dark Minder. Sans perdre une seconde, elle glissa le haut de son corps sous le lit et commença à fouiller les lattes du bout des doigts.

« Allez… je sais que tu es là…  »

Le ronron ridicule des festivités raisonnait tout autour du sorcier qui déambulait parmi la foule. En habile chat de gouttière, ll naviguait entre les ombres, lisant inlassablement le visage des quidams qui se pressaient à sa rencontre. Avec une attention froide et calculée, Erio cherchait une perturbation, un signe ou une fausse note qui lui indiquerait où trouver ce qu'il cherchait. Ses pensées étaient ailleurs, bien loin de la mascarade ambiante, absorbées par les rumeurs et les secrets qui l’avaient conduit ici. Tant et si bien qu'il n'anticipa pas la collision qui le dévia à peine de sa route. Le choc avait été léger, mais suffisamment pressant pour l'extirper de ses préoccupations.

Devant lui, un jeune homme le regardait, légèrement embarrassé. Erio ne répondit pas tout de suite, préferant jauger l'instant. L' homme semblait sincère, toutefois, plutôt que de l’ignorer comme il l’aurait fait d’habitude, il décida de répondre. Il y avait toujours quelque chose à tirer de ce genre de rencontres fortuites.

« Vous et beaucoup d'autres ce soir, il semblerait,» répondit-il d’une voix calme, mais distante. Il esquissa un léger sourire en coin, à peine perceptible, avant de détourner les yeux un instant, comme s'il était déjà prêt à repartir. Pourtant, quelque chose retint son attention, une chose imperceptible qui le poussa à poursuivre.

« Vous étiez là pour le discours ?» demanda-t-il finalement, son ton plus neutre. « Ils sont toujours fascinants, ces moments où l’on parle de grandes idées… » Il marqua une pause, son regard dérivant un instant vers la foule qui continuait à s'amuser autour d'eux. L'évocation semblait anodine, mais ses mots étaient toujours soigneusement choisis.

« L’avenir de la magie, tout ça...» ajouta-t-il d’un ton presque détaché. « Intéressant, n’est-ce pas ?» Sa voix laissait entendre qu'il y avait plus à lire entre les lignes de ce qu’il disait, mais il n’en révéla rien de plus pour l’instant. Il recroisa enfin le regard de l'inconnu, laissant le silence s’installer, comme une invitation implicite à partager ses propres pensées.

Erio n’avait pas besoin d’en dire plus. Soit le jeune homme mordait à l’hameçon et révélait quelque chose d’intéressant, soit cette rencontre n'était qu'une simple distraction dans une soirée pleine de fausses lumières. Il était là pour des affaires plus sérieuses, mais cela ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas en tirer parti. Toujours en quête de l’artefact, il savait que chaque rencontre, aussi insignifiante soit-elle en apparence, pouvait l'aider à approcher son objectif.